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Littérature

Critique

Les bons baisers de Moscou d’Isabelle Cornaz4 minutes de lecture

par Sandrine Rovere
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Moscou © Michael Parulava / Unsplash

Dans son premier livre, la journaliste romande adresse une déclaration d’amour poétique et onirique à sa ville de cœur, Moscou, qu’elle a dû quitter lors du déclenchement de la guerre en Ukraine.

C’est un petit ouvrage de 80 pages à la couverture rouge comme aux grandes heures de l’Union soviétique. La journaliste romande Isabelle Cornaz a été durant quatre ans correspondante en Russie pour la Radio Télévision Suisse (RTS). Elle a dû quitter la capitale qu’elle dit avoir «profondément aimée» et n’a plus pu y retourner, en raison de la guerre en Ukraine. Et pourtant, le souvenir demeure. C’est donc une déclaration d’amour en bonne et due forme qu’elle adresse à la mégapole russe dans son premier livre La Nuit au pas, paru fin août aux Editions La Baconnière.

Il ne s’agit pas d’un roman, mais plutôt d’un recueil de souvenirs et d’impressions fragmentaires, emmêlés par le temps qui passe. Presque un songe, où se côtoient voyages dans le Grand Nord russe, souvenirs d’enfance et orages d’été dans les rues moscovites. «Il arrive un moment où les lieux familiers entrent dans nos rêves. Ils deviennent obsédants, intouchables», raconte la jeune quadragénaire, qui se demande: «quel degré d’attirance faut-il avoir pour ces champs, ces maisons, ces ciels, ces angles de rue pour qu’un jour, ils ne nous lâchent plus?»

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L’auteure peint un Moscou inconnu des touristes, une ville d’arrière-cours, de chemins de traverse et de platebandes de pissenlits. Mais c’est une cité qui a profondément changé depuis quelques années. «Ce que j’aimais a disparu», regrette Isabelle Cornaz. 

Elle explique que Moscou est devenue «sucrée»: «A défaut d’offrir à la jeunesse urbaine une démocratisation du pays (…), on lui a offert une occidentalisation de l’espace urbain, les attributs d’un monde globalisé, comme si cela suffisait à masquer les traces d’un style autoritaire. En espérant ainsi la satisfaire, ou l’endormir.»

«Moscou peut-elle survivre moralement à la guerre?»

Car cet amour inconditionnel qui transparaît quasiment à chaque page n’empêche pas Isabelle Cornaz de s’interroger sur ce qu’est devenue la Russie aujourd’hui et comment elle en est arrivée là. C’est un pays immense, mais où tout le monde vit à l’étroit, «faute d’espace où vivre dignement». Un pays où il faut «prendre des terres pour avoir l’air fort. (…) Ne pas savoir quoi faire des terres qu’on a déjà.» Un pays construit sur le sang et la sueur de ses habitants, comme ces scientifiques envoyés aux confins de l’Union soviétique pour y travailler sur de secrets projets nucléaires et dont les descendants sont encore sur place, comme emprisonnés dans le froid et la glace.

Surtout, l’auteure se demande ce qu’il va advenir de cette ville après le conflit en Ukraine. «Moscou peut-elle survivre moralement à la guerre?», questionne Isabelle Cornaz, comme si la capitale était devenue un être de chair et de sang.

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Ce qui touche probablement le plus à la lecture de ce récit, c’est la nostalgie, la tristesse de l’auteure, tangible comme une douleur physique. «Cela fait trois ans maintenant que je ne suis plus allée en Russie, alors que c’était ma maison», déplore avec pudeur Isabelle Cornaz. Dans le même temps, les souvenirs s’estompent. «Moscou disparaît, petit à petit. Les détails s’effacent alors que la ville n’est faite que de ça.» Et la Romande de souhaiter que ces instants vécus, «comme ces vestiges d’incendies de l’été précédent qui survivent sous la neige, résistants à la nuit, terrés dans l’obscurité», puissent un jour «renaître comme une force de vie».

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Isabelle Cornaz
La Nuit au pas
Editions La Baconnière

août 2023
88 pages

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