Après un premier tome La cité en flammes, Don Winslow revient cette année avec La Cité des rêves, sorte de long périple s’inspirant cette fois-ci de L’Enéide de Virgile. Entre déambulations et prises de conscience, que vaut cette suite des aventures de Danny Ryan?
Danny Ryan n’a plus rien. La guerre contre les Italiens a été perdue, sa femme est décédée, la plupart de ses amis aussi, et la fuite des vaincus reste la seule option. Dérivant jusqu’à Los Angeles, la petite troupe voit s’ouvrir les portes d’Hollywood, enfer réinventé qui les fera peut-être tous tomber.
Lire un roman de Don Winslow, c’est toujours une expérience. Agréable d’abord, car on se trouve face à une histoire complexe et fluide à la fois – profonde, mais simple. Déplaisante ensuite, car tout semble fade dans le monde du polar quand on en sort et que l’on envie la facilité avec laquelle l’auteur construit un récit aussi tentaculaire et à la langue aisée sans jamais perdre le lecteur.
Dans La Cité des rêves, ce sont exactement les sensations que procure la lecture. Si l’histoire emboîte presque directement celle du tome précédent, elle s’en détache également sur le champ. Plus question ici de guerre de gang au sens strict, la plupart des personnages rencontrés dans La Cité en flammes sont évacués rapidement et toute la vivacité est remplacée par une forme d’atonie.
Enée goes to Hollywood
Comme dans La Cité en flammes, Don Winslow mobilise les mythes gréco-romains pour construire, en fond, son intrigue. Pourtant, si le premier livre pouvait laisser un doute quant à l’inspiration du personnage de Danny Ryan, il est clairement indiqué que ce roman-ci est tiré de L’Enéide de Virgile. Tout comme le héros, Danny a été mis à l’écart des combats de la guerre Troie et a été forcé à l’exil après la mort de son épouse, avant de dériver jusqu’aux côtes de l’enfer.
Dans La Cité des rêves, le royaume d’Hadès est symbolisé par Hollywood. Peut-être de façon un peu trop stéréotypée, certes. Véritable panier de crabes où mafia, producteurs et autres mères d’enfants-stars cherchent à se placer et à gagner le gros lot, voilà un terreau de jeu que Don Winslow utilise pour égratigner le fameux rêve américain et les quarts d’heure de gloire vains. Néanmoins, si l’exercice est amusant, il est peut-être un peu daté et fait surtout patiner l’histoire assez radicalement. En effet, passé la première partie servant d’état des lieux, l’écriture semble s’alourdir et le récit stagner jusqu’à se conclure en une sorte d’«anti-polar» assez surprenant.
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Si le thriller n’a pas de formes définies ni d’éléments fixes, la deuxième partie de La Cité des rêves laisse de côté son sujet et nombre de ses protagonistes pour se focaliser, en parallèle, sur une banale histoire d’amour et sur deux personnages peu caractérisés. Ce choix scénaristique, couplé à la condamnation immédiate de la quasi-totalité des portes laissées ouvertes au tome précédent, donne un aspect très étrange à ce roman. Un peu comme si Michael Corleone du Parrain partait en lune de miel à l’étranger et que l’on ne parlait plus de ses affaires pendant une heure de film.
En résulte une lecture toujours agréable, mais dont on se demande si elle nous mènera quelque part. Reste également une certaine tension installée par le prologue, mais dont la résolution fait pâle figure face à ce que Winslow a pu écrire par le passé. Sans oublier la joie de retrouver des personnages attachants pour la suite de leurs aventures.
Ecrire à l’auteur: mathieu.vuillerme@leregardlibre.com
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Don Winslow
La Cité des rêves
Harpercollins France
2023
432 pages