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Accueil » «Virgile s’en fout» ou les obsessions d’un jeune médecin

«Virgile s’en fout» ou les obsessions d’un jeune médecin5 minutes de lecture

par Ivan Garcia
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Le nouveau récit d’Emmanuel Venet mêle la mythologie gréco-romaine à l’histoire d’un jeune médecin de l’année 1981 qui déambule entre amours déçues, tentatives d’écriture et préparation de concours.

Dans une interview accordée à Télérama en 2003, l’intellectuel et écrivain italien Umberto Eco déclarait que «chaque écrivain raconte toujours une même obsession», c’est-à-dire qu’il est toujours tiraillé dans l’écriture de ses œuvres par la même image, le même motif ou la même
personne… Comme dans La plus secrète mémoire des hommes de Mohammed Mbougar Sarr, où le héros, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain, est obsédé par le mystérieux auteur T.C. Elimane et son livre mythique, Le labyrinthe de l’inhumain, et part sur ses traces.

Une odyssée personnelle

On pourrait dire que le roman Virgile s’en fout, dernier ouvrage du psychiatre et écrivain  Emmanuel Venet, se situe dans cette même veine obsessionnelle. Le récit se déroule du 1er janvier au 31 décembre 1981, année ô combien importante pour le narrateur anonyme de  l’histoire. Alors étudiant en sixième année de médecine, celui-ci alterne entre «faisant fonction d’interne» chez le vantard professeur Mortillon, ses révisions pour passer le concours  et obtenir l’internat et ses amours déçues, notamment avec la mystérieuse Alexia Maurer. En  1981 également, l’élection de François Mitterand vient bouleverser une France en pleine  Guerre froide.

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Avec ces différents archétypes (jeune homme en quête d’écriture, amours déçues…), que l’on  retrouve dans bien des histoires, il est aisé de déduire que le récit ne se conclura pas sur un  happy end à l’américaine. L’ouvrage, divisé en 91 chapitres (que l’on pourrait aussi considérer  comme 91 fragments de mémoire), alterne entre les différents moments de la vie du narrateur  en 1981 et des épisodes de la mythologie occidentale que le héros puise dans le Dictionnaire  de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimal, acheté au début du récit à la suite de  sa nuit d’amour ratée avec une certaine Ariana…. 

Si le contenu de l’histoire n’est en soi pas des plus novateurs, la forme du récit donne à  l’ouvrage une étonnante vitalité. On notera l’absence de dialogues dans le livre, écrit au  discours rapporté. Un choix stylistique de prime abord étonnant mais qui colle bien avec le  sujet traité. La forme choisie correspond à l’image que se fait de lui le narrateur, qui se  considère comme un «aède», qui raconte son odyssée personnelle.  

De quoi Virgile se fout-il?

Le personnage principal, relativement inculte au début du roman, notamment au sujet du  mythe de Thésée, caresse le projet de publier des livres, bien qu’il se destine à la médecine;  projet peu compatible avec le plan de vie de Chantal Magnard, son ancienne fiancée, et la  préparation du concours de l’internat. C’est avec l’arrivée d’Alexia Maurer, jeune externe dans  le service du professeur Mortillon, qui devient rapidement l’amante du narrateur, que le jeune  homme rejoint un groupe de lettrés dont l’objectif est, entre plusieurs bières et bouteilles,  d’établir la liste des cent plus beaux livres de la langue française. 

Mais reste à savoir, si l’on se réfère au titre de l’ouvrage, de quoi Virgile se fout-il au juste? Le  poète romain qui, au demeurant, apparaît fort tard dans le récit, après que le narrateur nous  ait parlé des dieux grecs, de la tragédie des Atrides, de la guerre de Troie… On ose une réponse  en lorgnant sur la page 111 du livre:

«Les historiens vétilleux affirment qu’il s’est écoulé trois siècles entre la chute de Troie et la  fondation de Carthage, ce qui prête au voyage d’Enée une durée hors du commun. Mais Virgile  s’en fout comme de sa première toge: si on l’avait poussé dans ses retranchements, il aurait  sans doute répondu que toutes les histoires s’écrivent ainsi, et particulièrement les histoires  d’amour.» 

Il semblerait que Virgile n’ait pas été un incroyable scénariste pour son Enéide. Mais, au fond,  qu’importe, quand l’objectif est noble, de ne pas respecter la chronologie? Enée avait une  obsession: celle de bâtir une nouvelle Troie. Le narrateur de Virgile s’en fout en a deux autres:  rester avec Alexia Maurer et celle d’écrire envers et contre tout. Les deux survivront-t-elles à  l’année 1981? Au lecteur de le découvrir. 

Ecrire à l’auteur: ivan.garcia@leregardlibre.com

Crédit photo: © Photo de Pixnio

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Emmanuel Venet 
Virgile s’en fout 
Editions Verdier 
2022 
150 pages 

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