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Suisse

Editorial

Les deux faces du pragmatisme suisse4 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Jonas Follonier, rédacteur en chef du Regard Libre © Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre

Le pragmatisme est bien vu en Suisse. Dire d’un responsable politique qu’il est pragmatique, c’est en général un compliment: il fait bien de se soucier d’efficacité, de résultats, plutôt que d’idéologie! C’est que cette attitude consistant à faire en sorte avant tout que les choses fonctionnent semble elle-même fonctionner. Le pays maîtrise (à peu près) sa dette, ses rues sont (globalement) propres, le niveau de vie (moyen) y est élevé. Bref, dans l’ensemble, tout est bien géré et le monde entier le reconnaît.

Seulement voilà, si le pragmatisme a évidemment ses bons côtés, il comporte également ses risques. Et ceux-ci sont sournois.

Ainsi, le peu d’importance accordée à l’art oratoire pour être élu à un quelconque niveau en Suisse n’expliquerait-il pas en partie le désintérêt d’une part significative de la population pour la chose publique? Certes, le faible taux de participation aux diverses votations tient sans doute partiellement à leur fréquence, et donc à la perpétuation du système lui-même, qu’il ne s’agit pas d’abandonner. Bien sûr aussi, l’affaiblissement des corps intermédiaires – dont les partis, mais aussi les associations professionnelles, les cercles d’idées… – contribue à l’éloignement de la vie civile par rapport à la vie civique. Il n’empêche, le manque de grandeur, de noblesse, de transcendance dans les institutions n’y serait-il pas pour quelque chose dans les bâillements que celles-ci provoquent désormais bien souvent?

Autre effet négatif du pragmatisme, la tendance à se contredire. Qu’il est vite arrivé, en tant que représentant d’un parti, de trahir sa charpente philosophique quand on ne la connaît guère! Encore faut-il d’ailleurs qu’il y en ait une. En l’absence de vision du monde, aucun risque de lui être infidèle. Il semble se tramer en politique une sorte d’équivalent de l’amour libre.

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Aucune formation n’y échappe. Le PS, selon son programme officiel, souhaite en finir avec l’armée nationale et donc l’industrie de l’armement, et il se bat en même temps à Berne pour la réexportation de matériel de guerre en Ukraine. L’UDC s’oppose au contraire à la réexportation d’armes helvétiques au nom de la neutralité… tout en tenant – comme aucun autre parti – à la défense nationale (et en s’offusquant au passage des gaspillages d’argent public). Les Verts militent pour la liberté de la presse et l’ouverture, et plusieurs de leurs membres de premier plan souhaitent empêcher la diffusion d’un reportage à la RTS portant sur le phénomène des personnes qui font marche arrière après avoir changé de sexe, parce que ce serait offensant envers les trans… Le PLR prône la concurrence tandis que moult parlementaires de cette obédience défendent des intérêts corporatistes, dans le domaine de la santé par exemple.

Un peu de suite dans les idées et de hauteur intellectuelle ne serait pas de trop dans cette bonne vieille Confédération. Au moins de quoi mesurer un peu plus la «portée idéologique [des décisions prises], ou en quoi elles s’inscrivent dans quelque chose de plus général», selon les mots utilisés par le journaliste Alain Rebetez dans l’interview que nous vous proposons dans ce numéro.

Contraste frappant, les débats en France sur l’écriture inclusive, la séparation homme-artiste ou la laïcité, quoique grandiloquents et parfois vains, disent au moins quelque chose de l’époque. Mieux, ils permettent de voir se confronter des projets qui dépassent l’administration du présent. Ils rendent conscients des conséquences que peuvent avoir les idées sur le monde et invitent à se poser des questions qui n’ont pas trait à la seule gestion, mais qui mobilisent une vision. Pourquoi alors ne pas embrasser les deux?

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

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