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Littérature

Recension

«Pouvoir»: quand la testostérone émoustille prolos et intellos5 minutes de lecture

par Diana-Alice Ramsauer
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pouvoir

La majorité silencieuse et l’élite parisienne ne se comprennent plus. Au centre de la mêlée, un politicien providentiel fait des promesses, échauffe et charme les foules. Une puissante critique du populisme, même de la démocratie. Découvrez Pouvoir.

Il est séduisant, charismatique, presque magnétique. L’archétype du démagogue qui «dit tout haut ce que les gens pensent tout bas». Ce personnage principal décrit dans le roman Pouvoir du Valaisan Philippe Testa pourrait être une sorte de Jordan Bardella, le chef du Rassemblement National en France: petit prodige issu d’une famille plutôt modeste, jeune cadre dynamique propre sur lui, le verbe haut, toujours un sourire charmeur relevant ses pommettes. Selon vos affinités, un Sébastian Kurz ou un Matteo Salvini fonctionnerait aussi.

La figure principale de ce roman est donc de ce type-là, mais d’un niveau supérieur. Un poulain présidentiable qui représente cette masse parfois phantasmée de «majorité silencieuse» et dont le discours, populiste, pourrait réunir autant le fasciste que l’altermondialiste, tant il fascine. Et justement, cette histoire qui défile dans les rues parisiennes est racontée d’un côté par un ouvrier, un prolo, un travailleur de la périphérie et, de l’autre, par un intello, un représentant de l’élite, un écrivain désabusé. Deux regards sur la montée en puissance de cet homme providentiel.

Elevage en plein air ou hors-sol

Le premier, pourtant méfiant, adhère au discours du politicien, espérant que sa place de travail dans l’industrie alimentaire sera sauvée par sa dévotion. Il veut agir sur le terrain, se mobiliser et enfin reprendre le contrôle de sa destinée et de celle de sa nation. Le second, outré mais troublé par cette figure inspirante, se documente à son sujet pour un livre. Sa posture à lui est théorique, fatalement hors-sol. Il est malgré tout conscient qu’il a affaire à un symbole de notre temps. Non, ce candidat n’est pas un hurluberlu de plus vociférant dans le paysage politico-médiatique. Il compte.

Habitué à décrire les dérives de notre époque, l’ancien punk et désormais enseignant et auteur Philippe Testa s’est donné comme mission dans Pouvoir de représenter les clivages de la population, ici française. Une fracture matérialisée par l’absence totale de dialogue entre le monde du «prolo» et celui de «l’intello». Le premier nourrissant un antiélitisme virulent. Le second, un mépris de classe déconcertant. 

Jésus de la politique

Au milieu, se trouve le talentueux politicien. Une figure presque christique. Les mots de sauveur, prophète et messie lui sont tour à tour accolés. Une manière pour l’auteur Philippe Testa de traiter de ce besoin tout humain de croire, peu importe que ce soit en un leader ou en des théories complotistes. Il questionne au passage la démocratie: et s’il s’agissait d’un système transitoire? Et la liberté, une condition idéalisée davantage que souhaitée? Et l’écrivain de s’attaquer au concept de virilité. Interrogeant de front l’état actuel de la masculinité. 

Car les deux citoyens du roman entretiennent une relation particulière à leur position d’homme dans la société. Ce politicien, décrit comme extrêmement attractif, représente une forme de modèle. «Son sexappeal est puissant et semble transcender les genres», analyse l’écrivain du récit. Il paraît aussi bien attirant pour les femmes qu’attrayant pour les hommes. Jusqu’à réveiller la libido de l’épouse du «prolo», redonner une ascendance physique à l’ouvrier lui-même… et faire oublier à l’intello ses aventures sexuelles tarifées.

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Le roman de Philippe Testa propose une forme de panacée considérée par certains: un pouvoir à nouveau testostéronné. Celui d’un Bardella, d’un Kurz, d’un Salvini. Ou même d’un Poutine. Un avenir empreint de nostalgie patriarcale, matérialisé sous la forme d’une promesse: le parti politique «Vers l’Avant». Une réflexion documentée et psychologique qui nous renvoie à notre rapport intime et phantasmé au pouvoir.

Ecrire à l’auteur: diana-alice.ramsauer@leregardlibre.com

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Philippe Testa 
Pouvoir 
Editions d’en bas
2022
192 pages 

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