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«Et les mistrals gagnants», une leçon de bonheur3 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier

Un film sur l’instant présent, sur le bonheur, sur l’enfance, sur l’humanité, sur la maladie. Et les mistrals gagnants est tout cela à la fois. Ce documentaire signé Anne-Dauphine Julliand réunit toutes les qualités d’un bon documentaire, et propose un regard non pas sur les maladies graves touchant les enfants, mais sur les enfants touchés par les maladies graves. Des enfants respirant la joie de vivre. Un chef-d’œuvre que cette mise en lumière d’enfants gravement malades mais heureux.

C’est justement ce mais qui est questionné dans le long métrage. Centré sur cinq enfants malades ayant entre six et neuf ans, le film ne les porte pas pour autant. C’est eux qui portent le film. Ambre, Camille, Charles, Imad et Tugdual donnent tout simplement une leçon bouleversante au spectateur. Une leçon de vie. Le bonheur est à la portée de chacun, et il ne consiste pas en la somme maximale de plaisirs: il est une foi dans l’existence, avec tout ce qu’elle comporte.

«Si y a quelque chose qui va pas, c’est pas grave, c’est la vie», dit l’un des enfants. Si simple, si vrai. Ce genre de maximes mérite notre entière attention, parce qu’elles ne sont pour une fois pas le fruit d’une stratégie émotionnelle manigancée par un réalisateur en quête de bien-pensance et surtout d’argent. Le film se contente de saisir les réflexions de chacun des protagonistes et de les suivre dans leur quotidien. Un quotidien heureux, entre jeux et salles d’hôpital, qu’ils ont du plaisir à nous présenter.

Malades de la peau, de la moelle, des reins, qu’importe, ils sont avant tout des enfants, et plus généralement des êtres humains. Ce n’est pas de la pitié, des privilèges, une attention particulière qu’ils demandent, mais une considération normale, d’homme à homme. Finalement, nous naissons tous avec des imperfections, certaines physiques, d’autres mentales, certaines plus lourdes que d’autres. Ce qui compte, c’est de voir ce qui nous relie en tant qu’êtres humains, et de gravir le sentier du bonheur. «Je pense que rien n’empêche d’être heureux.» Aristote n’est pas loin. Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants?

Un film éminemment philosophique que celui d’Anne-Dauphine Julliand. Elle-même a perdu un enfant, elle aurait donc pu verser dans le pathos; mais il n’en est rien. Le documentaire se caractérise par son humilité et son intelligence. Il sait également manier la mise en scène. Les paysages, le rythme, les lumières, la caméra à hauteur des enfants, tout est bien ficelé et nous épargne l’ennui que procurerait habituellement un documentaire sur les enfants malades.

Mais s’il y a bien quelque chose de réussi, c’est le titre. Et les mistrals gagnants. Renaud, dans sa célèbre chanson, ne parle pas d’un enfant malade. Il parle d’un enfant, c’est tout. Un enfant qui est le sien, et voué à incarner l’enfant universel. Quel meilleur choix de titre pouvait-on faire pour insister sur l’éloge de l’enfant en tant que tel, pour le refus de la catégorisation des malades?

L’enfance, magique, éphémère, cet âge d’or sublimé dans Mistral gagnant, chanson préférée des Français.

«A m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder les gens tant qu’y en a
Te parler du bon temps qu’est mort ou qui r’viendra
En serrant dans ma main tes p’tits doigts
Puis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d’ pieds pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures
Te raconter un peu comment j’étais minot
Les bonbecs fabuleux
Qu’on piquait chez l’ marchand, car-en-sacs et mintos
Caramels à un franc
Et les mistrals gagnants

A r’marcher sous la pluie cinq minutes avec toi
Et regarder la vie tant qu’y en a
Te raconter la Terre en te bouffant des yeux
Te parler de ta mère un p’tit peu
Et sauter dans les flaques pour la faire râler
Bousiller nos godasses et s’ marrer
Et entendre ton rire comme on entend la mer
S’arrêter, repartir en arrière
Te raconter surtout les carambars d’antan et les cocos bohères
Et les vrais roudoudous qui nous coupaient les lèvres
Et nous niquaient les dents
Et les mistrals gagnants

A m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et r’garder le soleil qui s’en va
Te parler du bon temps qui est mort et je m’en fous
Te dire que les méchants c’est pas nous
Que si moi je suis barge, ce n’est que de tes yeux
Car ils ont l’avantage d’être deux
Et entendre ton rire s’envoler aussi haut
Que s’envolent les cris des oiseaux
Te raconter enfin qu’il faut aimer la vie
Et l’aimer même si
Le temps est assassin et emporte avec lui
Les rires des enfants
Et les mistrals gagnants
Et les mistrals gagnants»

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

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