Pince-sans-rire, seigneurial, classe. Paolo Conte, créateur et interprète de Via con me, mais aussi des grandioses Gli impermeabili, Sotto le stelle del jazz, Max ou encore Hemingway, apparaît authentique dans le documentaire qui lui est consacré et qui vient de sortir en Suisse romande. Ce film est l’occasion d’une plongée dans son mystère. C’est aussi un bel objet, qui a Le Chic et le charme de la chanson du même nom.
Quiconque a déjà eu le privilège d’assister à un concert de Paolo Conte sait de quoi il en retourne quand on parle de son talent, de sa magie et de l’excellence de son orchestre. De sa musique qui ne communique rien, mais qui exprime tout. De son italien qui nous parle quand bien même nous ne parlons pas l’italien. De son attitude de «diseur» comme Tom Waits et Léonard Cohen, ou dans un autre registre, Barbara et William Sheller. Mais le profane doit croire cette vérité sur parole. Le documentaire musical Paolo Conte, Via con me, riche en extraits de spectacles, archives et interviews, y remédie.
Mieux, ce long-métrage réalisé par Giorgio Verdelli (qui a 200 films et reportages au compteur!) offre une véritable analyse, très simple à suivre, de ce qui fait la singularité et l’intérêt de l’univers de Paolo Conte. «L’essence de mon travail cinématographique est de faire de la perception des grandes chansons de Conte le récit des possibilités infinies d’interprétation dont nous disposons par rapport à nos propres sentiments», confie le réalisateur, reconnu internationalement comme expert en musique. Une constante se dégage cependant des clefs de compréhension proposées, constante confirmée par Paolo Conte lui-même:
«Je me suis toujours vu comme une sorte d’écrivain du paysage.»
Le film décrit également les contours de la relation intellectuelle et sentimentale qui lie l’Italien à la France. Si sa renommée est mondiale, elle est particulière au pays de Molière et d’Aznavour. Le prince Conte y a puisé certaines de ses références pour donner un sens à son œuvre. Ainsi cette expression dont il a baptisé son style, lorsqu’il était en Hexagone: «une confusion mentale fin de siècle». Les Français ont toujours aimé «les plaisanteries qui poussent un peu à la réflexion», dixit le crooner à la gueule de caoutchouc.
Une atmosphère de peinture et de cinéma
Mais comment qualifier les émotions que dégage ce chanteur-auteur natif d’Asti, dans le Piémont, avocat de profession? Le documentaire met des mots sur cette ambiance ordinairement indicible. Les chansons de Paolo Conte sont des films de musique et de verbe, des vers aux couleurs bleues, concentrés en trois minutes. Elles se déploient dans la profondeur des grandes provinces italiennes, leur conférant une dimension universelle. Elles ont la couleur et l’odeur des après-midi d’été. Elles représentent la parfaite dose du mélange tradition-innovation. Avec ce résultat décrit par l’actrice Luisa Ranieri:
«Quelqu’un a dit qu’écouter Paolo Conte, c’est comme être à l’arrière-boutique d’un grand café napolitain, où nous vient un parfum de magie, d’aphrodisiaque»
Un témoignage qui concorde avec celui du journaliste Vincenzo Mollica: «Je me suis rendu compte que les chansons de Paolo Conte sont toujours le fruit de musique, de poésie et de peinture. Il y a cet élément supplémentaire que les autres n’ont pas.» D’où le caractère unique de cet avocat-artiste, émule jazzy de Fellini, pianiste virtuose et joueur de kazoo, instrument-prolongement de sa voix rauque et mélancolique, grave et enfantine à la fois, râpeuse et pourtant mélodieuse. Paolo Conte, Via con me saura convaincre les personnes qui ignoraient son existence – ou qui ignoraient ce drôle de dandy par choix – d’emprunter la route de ce génie italien pour un voyage dans son œuvre.
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
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Crédits photos: © Daniela Zedda