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Critique

«Stalker», lorsque la caméra épie le fantastique5 minutes de lecture

par Leïla Favre
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stalker

Dans la salle comble du Cinématographe à Lausanne, une version restaurée du célèbre Stalker a été projetée mardi. Retour sur ce film d’Andreï Tarkovski, long-métrage chargé de mysticisme et à l’image maîtrisée.

La Zone est un lieu interdit et surveillé par l’armée. Selon les dires, il s’y cacherait une chambre capable d’exaucer les désirs les plus secrets. Certains défient les proscriptions militaires, grâce à l’aide de passeurs, appelés «stalker». Seuls ces guides connaissent la Zone et sont capables de déjouer ses pièges, ceux-ci se modifiant selon le caractère des individus qui les traversent. Un écrivain et un professeur, accompagnés d’un Stalker, se lancent donc dans cette dangereuse expédition.

Avoir l’œil et les oreilles

Chaque plan est un tableau indépendant. La frontalité et l’union parfaite entre décors et sujets font émerger une centralité impressionnante de technique. En jouant avec le second plan et le surcadrage, Tarkovski réussit à exposer une vraie dynamique entre les personnages et leur environnement. Toujours au centre et souvent encadrés, les protagonistes sont tantôt enveloppés par une puissante nature, tantôt opprimés par le caractère morne de la ville. Le positionnement des personnages au sein de l’image est réfléchi à l’extrême.

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Ainsi, l’œuvre offre aux spectateur un enchainement de peintures plus harmonieuses les unes que les autres. La profondeur du champ permet de pleinement profiter de la beauté de la végétation, thème fondamental chez le réalisateur. A travers une caméra discrète qui se contente souvent de travellings ou de plans fixes, Andreï Tarkovski révèle son génie.

Stalker, version 2023 © Janus Films

La photographie du film ne constitue pas l’unique qualité de ce classique. L’usage du son est discret, mais primordial pour la quête du trio. Si la musique que le réalisateur avait lui même qualifié de «ouatée, à peine audible» ponctue épisodiquement l’image, le jeu sur les sons intradiégétiques construit la dimension fantastique de l’histoire. Cette étrangeté sonore naît de la collaboration avec Edouard Artemiev, compositeur qui a travaillé sur trois films de Tarkovski. Grâce à la musique électronique, la plupart des bruits naturalistes sont modifiés, générant ainsi une bande sonore expérimentale et insolite. L’association entre une musique subtile qui traverse le film et les sons teintés d’irréalisme invitent le spectateur à questionner sa propre réalité; entend-il vraiment ces sons ou proviennent-ils de son imagination?

Sur le droit chemin

Cette interrogation reflète l’intention principale du réalisateur, à savoir la question du doute permanent. Le film est porteur d’une atmosphère particulière, oscillant entre consistance et confusion. Entre les discours philosophiques tenus par les personnages et les moments où l’onirisme prend le dessus, le groupe s’avance toujours vers la chambre. Par les détours fantastiques que Tarkovski propose tantôt à l’image tantôt par le biais sonore ou par les détours des chemins empruntés, tous se réunissent en un seul but: la quête de sens et de foi. Si la longueur du film peut décourager à certains moments, elle traduit pourtant la progression sinueuse de cette introspection et souligne l’ambiance hypnotique qui traverse le récit.

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L’opacité constante des dialogues semble parfois sur le rasoir et destinée à un public connaisseur. Pourtant, la beauté de la mise en scène, l’expérience sonore, le jeu des acteurs et les décors tempèrent ce sentiment. La simplicité de l’intrigue, qui suit la règle de la tragédie aristotélicienne, n’entrave en rien la création d’interprétations multiples de l’œuvre.

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Le visionnement de cette aventure fantastique, considérée comme un chef-d’œuvre, est une rétrospective ravissante. La Cinémathèque suisse propose d’ailleurs un programme surprenant et composite qui plaira aussi bien aux cinéphiles qu’aux spectateurs curieux.

Ecrire à l’auteure: leila.favre@leregardlibre.com

Stalker © Janus Films

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Affiche de Stalker, version 2023 © Janus Films

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