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Films

Critique

«Tiger Stripes»: une nouvelle griffe malaisienne5 minutes de lecture

par Leïla Favre
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Tiger Stripes (2023) d’Amanda Nell Eu © JOUR2FÊTE

Meilleur film en compétition internationale au Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFF) et, accessoirement, Grand Prix de la Critique, le premier long-métrage d’Amanda Nell Eu est emblématique du coming-of-age. Monstrueusement frais.

Zaffan a douze ans et vit dans une communauté rurale en Malaisie. La puberté vient bousculer son quotidien. La jeune fille réalise que son corps change à une vitesse surnaturelle. Devant le nouveau comportement de Zaffran, ses amies s’éloignent. Désormais seule, elle décide d’accepter sa métamorphose.

Unique en son genre

Le travail de composition souligne le caractère individuel du corps et de l’identité tout entière de la protagoniste principale. La réalisatrice reconnaît Tiger Stripes comme une célébration à l’individualité. Le groupe d’amies est souvent représenté en une trinité où chacune, au fil du récit, se retrouve au centre du plan. Le placement centré de l’héroïne, incarnée par Zafreen Zairizal – qui tient son premier rôle avec un naturel et une énergie impressionnants – produit deux effets. L’écolière est d’abord présentée comme une meneuse effrontée, entourée de ses amies; puis, par cette même centralité, elle sera pointée du doigt par ses mêmes camarades.

Du reste, la corporalité, si importante pour l’intrigue, n’est jamais sexualisée. L’histoire s’enracine dans un environnement scolaire féminin, rural et religieux. Un contexte rarement adopté dans les coming-of-age, récits abordant la jeunesse dans ses moments les plus déterminants. Zaffran, tout comme ses camarades, est voilée et les changements liés à la puberté sont montrés à travers ses mains et son visage.

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L’incommunication, fil rouge de Tiger Stripes, se manifeste par une omniprésence de la rumeur et de la légende. Cette ambiance entretient le manque d’informations des jeunes filles et de leur entourage. Les adultes, personnages secondaires, sont volontairement stéréotypés. Les hommes, en particulier: entre le père passif de Zaffran et le risible Docteur Rahim, la réalisatrice attaque frontalement l’hégémonie masculine qui dirige l’univers de Zaffran de manière ignorante.

De l’histoire ancienne

Ces légendes, qui rythment le quotidien du village de l’écolière, sont un éloge aux contes de fée, genre cher à la cinéaste. Tiger Stripes, dans sa narration, est une œuvre nostalgique. Amanda Nell Eu remet au goût du jour plusieurs traditions d’Asie du Sud-Est. Le film est également un hommage aux anciens films d’horreur malaisiens et embrasse le folklore de la figure du monstre: la transformation de Zaffran se réfère à la figure du «Harimau jadian», tigre-loup populaire dans la tradition indonésienne. Autres références au cinéma de genre malaisien, les effets spéciaux ainsi que le maquillage des pattes et du museau de Zaffran, avec leur côté carton-pâte, confèrent au long-métrage un effet kitsch bienvenu. La quasi-absence d’effets visuels, découlant d’une contrainte budgétaire d’une volonté d’honorer le cinéma d’autrefois, s’avère une agréable surprise.

L’exposition de la métamorphose de Zaffran n’a pas uniquement recourt au maquillage. Le décor a aussi une grande importance. L’omniprésence de la jungle lumineuse révèle la bestialité et l’agitation éprouvées par la jeune fille en transformation. Le design sonore oscille entre des bruits de nature paisible et d’intenses moments de musique éléctronique. Un cocktail explosif en contraste avec la quiétude de la forêt, illustrant le tiraillement interne, entre l’enfance et l’adolescence, qui anime Zaffran.

Par l’originalité de son histoire – une communauté conservatrice aux abords de la jungle – l’apologie d’un cinéma de genre révolu et la fraîcheur du jeu des trois interprètes, l’on comprend l’enthousiasme des festivals dans lesquels le film a été projeté. Malheureusement, le dénouement se fait attendre – une certaine longueur se fait ressentir dans la seconde partie du long-métrage – et le récit demeure relativement linéaire. Les cris hystériques des jeunes filles apeurées par leurs changements corporels contredisent quelque peu le discours du film, revendiquant la remise en cause du patriarcat.

Ecrire à l’auteure: leila.favre@leregardlibre.com

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