Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier
Jusqu’au bout des rêves raconte l’histoire extraordinaire de Katharina von Arx et Freddy Dilhon, deux êtres désireux à la fois de suivre chacun leur chemin personnel et de vivre ensemble leur grand amour. C’est aussi l’histoire d’une résidence, qui va prendre tant de place qu’elle va engendrer une forme de ménage à trois. A la fois documentaire et œuvre de fiction, le film narre une histoire réelle, qui s’est passée en Suisse.
Le « docu-fiction » s’ouvre sur une cheminée ; une maison est en train d’être rénovée. Cette maison, c’est un prieuré du canton de Vaud, à Romainmôtier. La journaliste et écrivain Katharina et le photographe Freddy, qui se sont rencontrés lors d’un voyage en Polynésie, vont s’installer dans cette demeure dès la naissance de leur fille. « J’aime le calme de cette maison, et son esprit ancien. C’est ici que nous voulons vivre et travailler », dit la jeune Katharina – interprétée par l’excellente et ravissante Sabine Timoteo, récompensée à trois reprises par le Prix du cinéma suisse.
« Katharina, nous investissons toute notre énergie et tout notre argent dans cette maison », lui répond, las, le jeune Freddy – interprété par le talentueux et élégant Christophe Sermet – qui se morfond dans cet environnement. La fascination de son épouse pour leur domicile, en effet, se transforme bien vite en amour intense, venant menacer la passion qui lie les deux jeunes parents. Dans le même temps, Katharina semble voir le malaise qu’a son mari dans cette maison comme un prétexte pour un mal-être plus profond : « tu détestes le silence d’ici parce que tu te détestes. » C’est là le cœur du film, débouchant sur la crise du couple et le départ de Freddy en Angleterre, qui ne va pas pour autant signer la fin de leur amour.
La première force de Jusqu’au bout des rêves, c’est de compter aussi bien sur un jeu d’acteurs pour les faits qui se sont déroulés il y a plus de cinquante ans, que sur la présence de la vraie Katharina von Arx, octogénaire, sous forme d’entretiens avec le réalisateur, enregistrés de 2011 à 2013. La seconde force du film, c’est sa musique, d’une rare finesse : son compositeur Balz Bachmann a d’ailleurs reçu le Prix de la Fondation Suisa pour la meilleure musique de film l’an dernier, au Locarno Festival.
Par ce documentaire singulier, l’auteur et historien haut-valaisan Wilfried Meichtry signe sa première réalisation. Une création qui s’inscrit totalement dans le cinéma suisse, avec un rythme qui lui est propre, une authenticité aussi, qui ne va pas sans une certaine exigence à l’égard du spectateur. Celui-ci ne se trouvera pas face à un blockbuster ni à un film grand public, mais à un long-métrage où c’est la particularité de l’histoire qui est primordiale, ainsi que son traitement artistique.
A paraître dans notre édition papier de mars : notre entretien avec le réaliseur, Wilfried Meichtry
Ecrire à l’auteur : jonas.follonier@leregardlibre.com
Crédit photo : © Frenetic Films
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