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«On Chesil Beach», un drame qui parle aux cœurs6 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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On Chesil Beach s’ouvre sur des plages d’une beauté à couper le souffle avec comme bande-son le timbre chaud d’un saxophone. Un moment jazzy entre joie et mélancolie préfigurant la dimension musicale qui sera capitale dans le film. Ce drame anglais, réalisé par Dominic Cooke, est une adaptation du roman de Ian McEwan paru en 2007 – l’auteur même dont le roman My Lady s’est vu également transposé au cinéma il y a une semaine.

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Le film met en scène un jeune couple dans l’Angleterre du début des années 1960. Edward (Billy Howle) et Florence (Saoirse Ronan) viennent de se marier et s’apprêtent à débuter leur nuit de noces dans une auberge du Dorset. Tous deux sont autant inexpérimentés en amour: c’est une première, et la peur glace aussi bien le sang de monsieur que celui de madame. Le film, qui peut se comprendre en trois temps, nous donne d’abord à voir cette soirée tendue en nous ouvrant les portes de l’intime.

Les portes de l’intime

Il est question avant tout de l’intimité sexuelle des deux jeunes mariés. Et pour entrer dans cet intime, le film n’a pas besoin de nous montrer des parties intimes: sans que nous ne voyions rien, du moins rien de croustillant, c’est leurs gestes, leurs regards, leurs silences, qui nous font ressentir leur malaise. Edward a la bouche qui tremble quand Florence lui propose comme prénom Chloé s’ils ont un jour une fille. Il peine à trouver ses mots pour l’amener près du lit: «Je t’aime. Tu es si… Je dois t’embrasser.»

Un certain comique se dégage aussi de cette première partie du film, comme dans ce dialogue: «Tu sais quoi, j’aimerais enlever tes bas. – Je crois que je ferais mieux de le faire moi-même.» Sourire gêné d’Edward. Ces instants de l’intime sont particulièrement bien réussis. Autre exemple de comique, la présence du personnel pour servir le repas dans la chambre. Le couple est mal à l’aise; les garçons de service rient sous leurs barbes. Mais ce comique très burlesque, on le comprend très vite, cache un drame, et le rire du spectateur fait bientôt place à la pitié.

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L’intime se manifeste aussi par ce face-à-face qui fait que tout remonte à la surface. Florence avoue à Edward qu’il lui fait peur quand il s’énerve fort. Cette captation de sa nature bagarreuse n’est possible que dans une relation intime, justement, où les deux êtres se connaissent, doivent affronter leur être et se dire la vérité. L’intime, outre la photographie très léchée du long-métrage, se manifeste enfin par les souvenirs: durant toute cette soirée à laquelle nous assistons, une série de flashbacks nous permet de découvrir le passé des deux amants et les différentes étapes de leur rencontre.

Florence est issue d’une famille aisée et à l’ancienne mentalité. La connerie de ce milieu aristocratique ressort particulièrement d’un dialogue tout à fait réaliste entre Florence et son père au sujet d’Edward: «Et que fait son père? – Prolétaire ou l’un des nôtres? – C’est à peu près ça, oui.» Evidemment, la réponse est qu’Edward est issu d’un milieu modeste et rural. Son père est un instituteur de primaire, ce qui fait hausser les sourcils à la mère imbécile de Florence. Quant à la mère d’Edward, elle a perdu la tête suite à un accident, ce qui offre une autre dimension au drame. Le mariage des deux époux tient donc du miracle.

La crise

Mais quand l’heure arrive de faire ce qu’il y a à faire, cela ne se passe pas bien et Florence, folle de rage, s’enfuit sur la plage. C’est la crise. La peur du sexe a pris une telle importance qu’elle sera fatale pour les deux amants. Nous nous trouvons dans la deuxième partie du film: une dispute qui va loin, très loin, non sans quelques maladresses au niveau des dialogues. Edward, à titre d’illustration, traite sa femme de salope: on ne voit pas trop ce que cela vient ajouter au film. Ironie de l’histoire, cette occurrence lyrique du juron «bitch» aura eu lieu sur la «beach».

La plage, nous devons en parler, puisque c’est le titre du film. On comprend que c’est ce moment destructeur pour le couple qui sera culminant pour l’histoire. La mer prend alors une symbolique intéressante, avec le vent de la dispute, les vagues de la colère, les galets du définitif et, bientôt, l’écume des regrets. Tout, tout se rapportera à cette plage par la suite. Mais le moment qui est sans doute le premier à marquer profondément le spectateur, c’est quand le jeune époux, après une nuit d’ivresse solitaire, revient chez lui et que son père, qui comprend tout de suite, lui dit, dans une tristesse des plus justes: «Mon Dieu, mon fils.»

Le grand amour, l’amour tragique

La suite du film se situe d’abord en 1975. Edward, au look de rockeur «hippiesé» par les seventies, est devenu marchand de vinyles. La scène où une jeune fille vient lui acheter un disque de Chuck Berry est bouleversante. Heureusement que l’auteur du présent article était seul dans la salle: verser de si grandes larmes, cela remonte au Déluge. S’ensuit une scène tout aussi émouvante où Edward raconte son histoire aux babacools qui l’entourent: «Tout s’est écroulé ce soir-là sur la plage. Et…» La suite, nous la laissons pour le suspens.

La dernière scène du film, qui se passe en 2007, provoque une fois de plus les larmes. Bien que le maquillage servant à vieillir les acteurs relève d’un faute évidente, l’émotion est bel et bien le maître-mot de ce dernier moment du drame. On ne peut pas être insensible à la musique sublime de Mozart, à la tragédie d’une vie et à l’injustice du réel. Seule l’émotion peut nous gagner face au motif de Roméo et Juliette, quand bien même c’est l’énième fois qu’il se manifeste. La passion qui s’exerce entre un Roméo et une Juliette, c’est un grand amour et un amour tragique. Grand, parce que tragique? Tragique, parce que grand? Peut-être l’un et l’autre.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Crédit photo: © Impuls Pictures

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