Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier
Dans cette nouvelle comédie de Guillaume Nicloux, Gérard Depadieu et Michel Houllebecq (les vrais) se rencontrent dans un établissement de thalassothérapie. Philosophant trivialement sur des choses universelles et radotant sur la société actuelle, ils tentent de supporter leur cure tant bien que mal. Un film entre le documentaire de collégien et l’exercice de style.
Thalasso s’ouvre sur l’entrée de l’écrivain français Michel Houellebecq (incarné par lui-même, c’est-à-dire un véritablement mort-vivant) dans un centre de thalassothérapie. L’institution n’a pas vraiment l’air de lui plaire. En même temps, se faire geler les testicules ne doit pas être foncièrement agréable. Ni être pris en charge par des infirmières lui parlant comme à un enfant – ce qu’il n’est pas… vraiment – ou un sociopathe – ce qu’il n’est… bon d’accord, si. Pire encore, le tabac est proscrit, tout comme l’alcool. Et je ne vous dis pas les menus diététiques qui y sont servis. Houellebecq va alors tomber sur un autre pensionnaire, lui aussi ennuyé par cette sorte de prison de la santé, un certain Gérard Depardieu.
Il est difficile de commenter ce film, tout comme il est difficile de savoir lors de la projection si on l’apprécie ou non. Il y a comme un empire de l’entre-deux dans Thalasso. Si ce film est emprunt d’un réalisme certain, il se situe en même temps aux confins de l’absurde. De même, cette histoire tournant autour de Houellebecq et de Depardieu atteste d’un sens de l’autodérision, mais elle démontre en même temps un certain égocentrisme. Le ventre de Gérard, on n’a pas besoin de le voir vingt-sept fois. De même pour la bouche baveuse de Houellebecq. Mais quand ce dernier se met à pleurer, se persuadant que «la mort n’existe pas», après avoir bu un bon verre avec son alcolyte – in vino veritas – alors là on assiste à quelque chose de très touchant. Tout comme devant les regards de Depardieu.
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Un cinéma marqué par le «en même temps» macronien, donc, bien que Michel Houllebecq affirme qu’il aurait finalement dû se présenter aux présidentielles 2017. Il ne pensait pas que «Macron ça allait se casser la gueule si vite» (sic). Quant à François Hollande, c’est lui qui, selon l’écrivain, aurait commandité son enlèvement. On nage là en plein humour absurde, bien que beaucoup de répliques dites à l’écran soient sans doute pensées. «Finkielkraut, quand il parle sur les plateaux, je le trouve bouleversant.» Au final, il est intéressant de voir que Gérard Depardieu est plus dans le questionnement, l’observation, l’admiration, alors que Michel Houellebecq, lui, est clairement du côté des réponses, aussi évasives soient-elles. Aurait-on là la définition de l’acteur et de l’écrivain?
«Le drame, quand tu vieillis, c’est que tu restes jeune.»
Outre une musique intéressante signée Julien Doré et une discussion vulgaire dont on se serait bien passé, ayant pour objet «une vieille chatte», que reste-t-il de Thalasso? Eh bien, vous ressortirez sans doute de votre séance de cinéma avec une certaine tendresse pour ce duo d’amis improvisés, tous les deux lassés par une société jugée liberticide et sans transcendance. Vous sortirez aussi sans doute amusés par ce centre de thérapie, véritable métaphore de la société politiquement correcte où l’on n’a plus rien le droit de dire, respectivement de faire. Amusés enfin par ce culte contemporain (et surtout ridicule) du bien-être physique, que nos deux stars semblent dédaigner au profit de la recherche du bonheur et du plaisir, certainement plus intéressants. Force est de leur donner raison, à ces deux extraterrestres fascinants que l’on préférera retrouver dans leur zone artistique habituelle.
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
Crédit photo: © Xenix Films