Vous êtes sur smartphone ?

Téléchargez l'application Le Regard Libre depuis le PlayStore ou l'AppStore et bénéficiez de notre application sur votre smartphone ou tablette.

Télécharger →
Non merci
Accueil » L’individualisme contre la liberté: relisons Tocqueville
Politique

Edito

L’individualisme contre la liberté: relisons Tocqueville5 minutes de lecture

par Jonas Follonier
0 commentaire
Alexis de Tocqueville © Huile de Théodore Chassériau / Wikimedia

Pour le lecteur contemporain, la position anti-individualiste d’un libéral peut sembler étrange. Il n’en est rien: Tocqueville définit l’individualisme comme le repli de l’individu sur lui-même, qui laisse le reste de la société décider politiquement pour lui.

«La pensée mise en commun est une pensée commune», chante Léo Ferré dans sa belle Préface à son album Il n’y a plus rien, sorti en 1973. Ajoutant, quelques vers plus loin: «Ce qu’il y a d’encombrant dans la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres.» Appliqué à la politique, ce constat intellectuel et littéraire fait écho à la pensée de Tocqueville. Grande figure du libéralisme classique et remarquable théoricien de l’évolution des démocraties occidentales, ce philosophe catholique français du XIXe siècle place au cœur des thèmes de son ouvrage De la démocratie en Amérique la difficile question des relations entre la liberté et l’égalité. L’un des points les plus saillants de son analyse est que la passion égalitaire fait courir un risque à la liberté, la mettant à la merci de la tyrannie de la majorité.

Mais il reste que pour Tocqueville, la liberté n’est pas incompatible avec l’égalité, elle peut même en ressortir grandie. Il suffit pour cela à la liberté d’être garantie par certaines conditions. Au premier rang de celles-ci, il importe que le citoyen ne sombre pas dans l’individualisme. Pour le lecteur contemporain, la position anti-individualiste d’un libéral peut sembler étrange. Il n’en est rien: Tocqueville définit l’individualisme comme le repli de l’individu sur lui-même, comme son indifférence aux affaires de la Cité. Le citoyen n’est plus citoyen, il n’est plus qu’individu et laisse le reste de la société, la majorité, décider pour lui.

Sur ce sujet, voir le débat «Le PoinG» auquel a participé Jonas Follonier sur Léman Bleu le 16 janvier dernier:

Or, ce n’est pas en soi un problème pour un démocrate que la majorité décide pour la minorité, voire qu’un nombre peu important de personnes impose ses vues à une foule de paresseux et autres abstentionnistes. Le démocrate accepte ce genre de cas de figure. Les absents, après tout, ont toujours tort. Oui mais voilà, Tocqueville n’est pas un démocrate, il est avant tout un libéral qui juge la démocratisation des sociétés occidentales inéluctable et tente d’en tirer le meilleur parti sur le modèle de ce que les régimes aristocratiques avaient de meilleur. Comme tout libéral classique qui se respecte, Tocqueville est avant tout un défenseur des droits naturels de l’Homme, avant d’être l’avocat de tel ou tel régime.

C’est pourquoi ce penseur, qui sait trop bien que la démocratie n’est pas gage de liberté, l’égalité pouvant être scrupuleusement respectée dans une tyrannie, en arrive à proposer des garde-fous contre un trop grand pouvoir de la majorité. Ce qui compte, dans une démocratie libérale, c’est l’usage de sa liberté civique. En clair et en bref, l’engagement de chacun, à son niveau et selon ses compétences et ses intérêts, dans la discussion citoyenne. La controverse civilisée est la seule garante du respect des libertés, car si chaque Homme doit être égal aux autres, c’est d’abord sur le plan du choix du destin qu’il subira. Cette conception de la démocratie libérale, c’est-à-dire saine, exige évidemment une éducation la plus généralisée possible et un respect absolu de la liberté d’expression et de conscience par chacun. Sans elles, il ne peut y avoir de pensée personnelle.

NEWSLETTER DU REGARD LIBRE

Recevez nos articles chaque dimanche.

Nulle contribution intellectuelle ne s’est avérée plus utile pour comprendre nos démocraties. Et nul autre que Tocqueville ne fut meilleur prophète de ce qui manquerait cruellement un jour à nos sociétés: l’engagement dans la vie de la Cité et les conditions d’un débat public ouvert. L’écrivain nous montre même la voie à suivre pour restaurer, ou mieux, construire, les garanties de nos libertés face au danger que leur fait courir l’individualisme. L’auteur insiste par exemple sur le rôle fondamental des associations. Eh bien, multiplions nos affiliations. Investissons-nous dans l’amitié et le dialogue. Et relisons Tocqueville.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Vous venez de lire un édito paru dans notre édition papier (Le Regard Libre N°81).

Vous aimerez aussi

Laisser un commentaire

Contact

Le Regard Libre
Case postale
2002 Neuchâtel 2

© 2024 – Tous droits réservés. Site internet développé par Novadev Sàrl