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Société

Editorial

Face à la drague de la drogue, le goût du goût4 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Jonas Follonier © Dessin de Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre

L’effet le plus néfaste des drogues consiste à nous faire croire que le reste n’a pas vraiment d’intérêt, alors que c’est tout le contraire. Pour lutter contre la tentation des substances, il faut militer pour l’émerveillement. Pour le goût du goût.

L’être humain étant rationnel, pourquoi est-il «dans ses cordes» de penser… à se donner la mort? Ou à prendre de la drogue dure, qui est une mort lente? D’abord parce que l’homme est libre, et donc libre de faire le bien ou le mal. La pulsion peut l’emporter sur la raison, ou un mal peut être pris pour un bien, ou un moindre mal par rapport à l’existence. La conscience de ce qu’on est implique la conscience de ce qu’on n’est pas: ce qu’on aurait voulu être, ce qu’on aurait pu être, ce qu’on ne sera jamais, ce qu’on aura toujours été.

La drogue drague l’homme. Avec elle, il pourra faire la fête ou s’oublier, ce qui s’avère souvent la même chose. On peut imaginer distinguer les bonnes raisons de s’oublier et les mauvaises, séparer les mauvaises manières de s’oublier des pires. Mais est-ce toujours si évident de bien distinguer dans le noir? D’ailleurs, y a-t-il une différence de degré ou de nature entre le fait de boire du vin et le fait de fumer du crack? Peut-on avoir une consommation modérée d’héroïne? A-t-on le droit de se faire du mal? Quand est-ce que le danger pour soi devient un danger pour autrui?

Vastes questions philosophiques, qui n’obtiendront peut-être jamais de réponse et qui touchent à la nature tout aussi éternelle de nous autres, animaux sociaux. Impossible d’ailleurs d’aborder toutes les facettes de ce thème de société. Dans notre dossier du mois, nous nous sommes cependant assurés de parler aussi bien de leaders de la politique de la drogue que de dealers, du pouvoir de la drogue que de la drogue du pouvoir. En empruntant le langage de la réflexion, mais aussi de la chanson, du récit ou de la photographie.

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Comme de coutume, la nuance est de bon conseil pour penser son sujet. Si adopter un ton moraliste face à la drogue est contre-productif, cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’existe pas de valeur morale dans les actes individuels. Si la politique de répression est un échec, cela ne veut pas dire que la libéralisation ne pose pas d’autres problèmes et qu’elle fonctionne mieux. Enfin, si l’on a aujourd’hui son avis sur son propre rapport aux substances légales ou illicites, cela ne dit rien de ce qu’on en pensera demain. Il faut toujours se méfier du futur, se méfier de soi. Et donc avoir une pensée active.

Celle-ci me mène à penser que s’il faut avoir une addiction, c’est bien l’addiction au goût. Dans les deux sens de ce terme, d’ailleurs: être addict au désir des choses et à leur saveur. Car on ne répétera jamais assez que l’effet le plus néfaste des drogues consiste à nous faire croire que le reste n’a pas vraiment d’intérêt, alors que c’est tout le contraire. Il faut donc se donner les moyens de le ressentir. Personnellement, si j’ai pu développer un tel goût pour l’amitié, la beauté, la philosophie, la politique, le journalisme, mais aussi le lac de Neuchâtel, le lard de mon pays, sans oublier la bière acide (oups), c’est bien d’abord parce que j’ai cultivé mon goût du goût, pour reprendre la splendide expression de l’écrivain Yann Moix dans le premier numéro de sa revue Année Zéro à propos de l’auteur de Si le grain ne meurt: «Gide inculque à son lecteur le goût du goût».

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Avoir le goût du goût (testez, c’est délicieux), cela multiplie les plaisirs, cela démultiplie la vie. C’est un paradis spirituel, qui n’a justement rien d’artificiel, car il est en adéquation totale avec notre nature humaine.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

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