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Opinion et réflexion4 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Jonas Follonier, rédacteur en chef du Regard Libre © Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre

Le Regard Libre N° 60Jonas Follonier

Si renaissance de la presse il y aura, une partie de cette renaissance se fera par la presse de réflexion. Le journalisme de réflexion, tel que nous l’expérimentons dans ces colonnes, offre des perspectives démocratiques. Surtout à une époque comme la nôtre, où la consommation d’informations sans regard critique peut être extrêmement dangereuse. Oublions l’étiquette de «journalisme d’opinion». En définitive, toute phrase est l’expression d’une opinion, qu’elle soit précédée ou non d’un «je suis d’avis que». Simplement, une assertion sera vraie si un fait empirique la vérifie.

La presse d’information est donc elle aussi de la presse d’opinion. A ceci près que les informations qu’elle véhicule sont vraies ou probablement vraies. Bref, toute presse consiste en de la presse d’opinion et un baromètre de fiabilité – difficile à concevoir – pourra distinguer les médias dits «de référence» des canards et autres blogs. Qui, pour une partie d’entre eux, sont tout aussi intéressants, voire plus, du simple fait que les infos n’y sont pas primordiales. On peut par exemple y privilégier l’analyse, la réflexion.

La réflexion consiste en effet en tout autres choses que des opinions. La réflexion, c’est la confrontation de soi à soi; c’est le débat, réel ou fictif. C’est ce qui fait la saveur d’un article dit «engagé». Comme d’aucuns nous avaient demandé à plusieurs reprises si Le Regard Libre était orienté, nous avions répondu dans un éditorial: oui, trois fois oui, orienté vers la réflexion, vers le débat d’idées – et il est essentiel d’ajouter vers la passion de la culture, qui elle-même est engagée dans cet amour de la discussion. Fût-elle impertinente.

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Pourquoi l’impertinence, versus le politiquement correct, sont-ils devenus des sujets chauds et omniprésents, d’un côté comme de l’autre? Eh bien, parce que l’époque le veut. Une des composantes de ce que nous sommes en train de vivre, c’est l’invitation du jugement moral – dans une conception absolutiste de la morale, alors même que, paraît-il, nous avons chacun notre propre morale – dans des champs de discussion qui en avaient été longtemps préservés. Et encore, une morale de gangs et une morale au rabais – une «moraline» selon le mot de Nietzsche, qui tient en des vertus chrétiennes et républicaines devenues folles.

Considérer publiquement que le libéralisme est le moins mauvais des systèmes économiques vous fait passer actuellement pour un méchant privilégié; refuser l’ouverture illimitée des frontières, pour le plus vilain des nazis; remettre en question l’adoration de la Suisse romande pour sa sacro-sainte EPFL, pour un triste sire. Ce ne sont là que trois exemples parmi mille. Plus le temps avance, et plus notre salut semble se trouver dans des soirées entre amis, en privé, où l’échange et la nuance sont encore possibles – ainsi que le blasphème.

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Or, le débat public est tout aussi important, bien que l’arène des réseaux sociaux qui se voulait inclusive soit devenue le plus grand moteur d’exclusion, autant intellectuelle que sociale. Le débat public, c’est-à-dire le débat assumé et au service de la réflexion collective, est un devoir pour les citoyens que nous sommes. Aussi, en passant, pour les enquiquineurs que nous aimons parfois être. Et tant mieux!

Que serait une vie sans ironie, le pendant dans le domaine de l’humour de la remise en question dans le domaine de la pensée? Bien peu de choses. Il vaut alors la peine de s’alarmer face aux clignotants du monde des humoristes et autres caricaturistes, qui n’ont bientôt plus rien le droit de tourner en dérision. C’est là le signe évident d’une défaite de la pensée.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Dessin: © Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre

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