L’auteur genevois Michaël Perruchoud a choisi la guerre en Tchétchénie comme toile de fond de son nouveau roman. Dans cette œuvre, il s’interroge sur les compromis que chacun est prêt à faire pour survivre.
Elles sont quatre dans le dernier roman de Michaël Perruchoud, Une Lada bleue, paru à l’automne 2022 aux éditions Cousu Mouche. Quatre jeunes filles à peine adultes, Katarina, Zilia, Laoura et Saïda. Nous sommes en 1999, à Grozny, en Tchétchénie. Pour la deuxième fois de l’histoire récente de cette ancienne république soviétique, la guerre approche, au fil de l’avancée des troupes russes sous l’impulsion, déjà, d’un certain Vladimir Poutine.
Michaël Perruchoud ne se complaît pas dans le bain de sang. Les combats n’apparaissent jamais dans les pages d’Une Lada bleue. Mais les conséquences de ce conflit sont présentes quasiment à chaque page, dans ce portrait d’un monde qui se délite.
Face à ces quatre adolescentes, personne ne tire son épingle du jeu. Les chefs de guerre – présentés comme des héros par une partie de la population – sont en fait des brutes rongées par la cupidité et la soif de sang. Les soldats russes, à défaut d’être des libérateurs, sont des ivrognes hors de contrôle. Les humanitaires ne sont pas si altruistes que cela. Et même les parents sont démissionnaires, lâches, paralysés par la peur, les traditions et leurs propres contradictions.
Un refuge face à la guerre
Face à eux, ces jeunes filles ne peuvent compter que sur elles-mêmes. Cette Lada bleue abandonnée au fond d’une cour est leur refuge pour échapper à la mort et aux bombardements. Elles peuvent y avoir 18 ans et chanter à tue-tête sur des vieux tubes des années 80. C’est aussi cette Lada bleue qui les emmène vers la liberté, symbole d’espoir et de deuxième vie.
Mais il n’y pas de happy end hollywoodien dans ce roman, aucun héros plus grand que nature qui sauve ces adolescentes et les emmène vers des lendemains qui chantent. Katarina, Zilia, Laoura et Saïda n’en sortent pas indemnes. Pour survivre, elles devront grandir et, elles aussi, faire des compromissions et de petits arrangements avec leur conscience et leurs idéaux.
Katarina veut à tout prix retrouver Saint-Pétersbourg et sa vie d’avant et elle ne recule devant aucune transgression pour y parvenir. La sage Laoura doit renoncer à tout ce que son éducation lui a inculqué pour trouver un protecteur pour sa sœur et elle. Et même l’indépendante Zilia, qui rêve de liberté en Occident, semble un instant mettre en doute ses choix face à l’incertitude et à la solitude.
Une Lada bleue est un ouvrage qui se lit d’une traite, parce qu’il s’intéresse d’abord à la part la plus humaine en chacun de nous. Personne n’est pleinement innocent dans ce livre. Il y a des fêlures, des espoirs déçus, des jalousies. La guerre ne fait pas forcément ressortir ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous, quand la faim, le froid et la mort guettent.
Ce roman pose aussi des questions d’une actualité brûlante, alors que le premier anniversaire de la guerre en Ukraine approche. Comment traverser la guerre quand on a 18 ans et qu’on a à peine vécu? A quoi est-on prêt à renoncer pour survivre? La fin justifie-t-elle toujours les moyens? Katarina, Laoura, Zilia et Saïda ont fait leur choix. A nous de faire le nôtre.
Crédit photo: © DR
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Michaël Perruchoud
Une Lada bleue
Editions Cousu Mouche
2022
234 pages