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«Galel», le Christ et la montagne6 minutes de lecture

par Diana-Alice Ramsauer
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Galel Fanny Desarzens

Galel, premier roman de Fanny Desarzens, nous entraîne dans le quotidien merveilleux mais périlleux de trois montagnards en pleine ascension: deux guides et un gardien de cabane. Un petit ouvrage hors du temps à lire en suivant leur rythme.

L’auteure Fanny Desarzens est une presque trentenaire. De Lausanne, lit-on – du Gros-de-Vaud, plus réellement. Plusieurs de ses nouvelles ont déjà été publiées, mais Galel est son premier roman. Il est paru aux éditions Slatkine.

Lors de la Fête du Livre de Saint-Pierre-de-Clages, en Valais, j’ai rencontré Fanny Desarzens au Village du Livre où nous avons eu l’occasion d’échanger sur son bébé né quelques mois plus tôt. Un petit bouquin qui raconte l’histoire de trois hommes vivant et ressentant la montagne au plus profond de leurs tripes. Il y a deux guides, Jonas et Galel. Le troisième, Paul, est gardien de cabane. Leur amitié a éclos là-haut, dans ce refuge nommé la Baïta.

Chaque année, ils s’y retrouvent pour échanger sur leur saison de marche. Ils racontent leurs aventures et leur quotidien avec les touristes qu’ils guident. Ils mangent un bout de pain fait avec patience par Paul, l’accompagnent d’un morceau de fromage d’alpage, boivent du vin, font un feu, regardent les étoiles et repartent. Ce qu’ils partagent reste au sommet de la montagne.

Marcher jusqu’à ne plus pouvoir

Pour Fanny Desarzens, parler du quotidien de ces guides – leur joyeuse routine, mais également celle qui se brise – n’était pas vraiment un choix conscient, nous dit-elle lors de notre entretien. Deux éléments l’ont peut-être poussée à se lancer dans cette histoire. Tout d’abord, l’attrait pour la montagne qui a commencé dans son enfance, lorsque sa famille parcourait les sentiers valaisans. Et puis, un guide rencontré bien plus tard, dont le récit l’a bouleversée: un homme dont le métier est celui de marcher. Jusqu’au jour où il ne le peut plus. «Les guides sont des personnes qui ouvrent des chemins, qui accompagnent des gens d’un point A à un point B. Je trouve cela très beau. C’est pour cela que j’ai commencé à décrire la montagne.»

Le récit n’est pourtant pas ancré dans une topographie réelle. Il s’agit plutôt d’un ensemble de montagnes que la Lausannoise a parcouru et qu’elle a rassemblé en un seul lieu dans son roman. «Je voulais laisser la place à l’imaginaire des lecteurs et lectrices. Ce qui m’importe, ce n’est pas UNE montagne en particulier, mais plutôt “l’idée de la montagne”.»

Aligner les mots en cadence

Et ces pentes, ces sommets, ces couleurs, ces ambiances, Fanny Desarzens les décrit à la manière de Ramuz. «Je sais, ce n’est pas très original. Mais oui, c’est MA référence en matière de littérature.» La répétition de certains mots est assumée. L’écriture en langage «parlé» aussi:

«Evidemment que j’assume. Cette manière d’aligner les mots, c’était une question de rythme. J’ouvre le livre sur des marcheurs qui gravissent une montagne. Je voulais reproduire la cadence de la marche. Un pied devant l’autre, c’est forcément de la répétition.»

Reste à savoir pourquoi ces trois hommes marchent. Pourquoi ressentent-ils à ce point le besoin de gravir les sommets, inlassablement, tout l’été? Une fuite? «Non, je ne pense pas que ce soit une fuite», répond la Vaudoise. «Ils ont juste trouvé l’environnement dans lequel ils se sentent réellement bien. Où ils sont eux-mêmes. Et ce n’est pas parce qu’on marche quelque part que l’on fuit forcément. Ce qui est recherché, c’est un état de bonheur. La marche permet ce bien-être-là.»

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La plaine en attendant « là-haut »

Reste que si les trois bonshommes partent en montagne, c’est bien parce qu’ils n’ont pas les codes de la plaine. On les sent empruntés lorsqu’ils doivent aller travailler dans une usine ou vivre dans une maison trop grande. Lorsqu’ils se retrouvent dans un hôpital – nous n’en dirons pas plus à ce propos – tout paraît étrange. Ils ne savent pas se mouvoir, communiquer, réagir aux éléments extérieurs. Ils ne savent tout simplement pas vivre dans ce monde de la plaine.

Fanny Desarzens précise pourtant: ce n’est pas une critique de la modernité. Son livre est d’ailleurs intemporel. «Ça ne m’intéressait pas du tout d’écrire “et à ce moment-là, il sortit son iPhone”. On s’en fiche. Ce n’est pas le sujet du livre. J’aime le fait qu’il n’y ait pas de marqueurs. On peut situer l’histoire dans le passé, dans le présent ou dans le futur. Pour moi, peu importe, vu que c’est une histoire qui peut exister en tout temps.»

Du pain et du vin

Si l’on ne perçoit effectivement aucun symbole d’une époque en particulier, on retrouve un certain nombre de références religieuses. Pour n’en citer que quelques-unes, prenons simplement le fait que le pain et le vin ont une importance centrale dans l’histoire. Ou que deux des trois héros portent des noms d’apôtres. C’est voulu: «Oui, il y a de grosses références bibliques.» Fanny Desarzens revendique un travail empreint d’une certaine spiritualité. Elle s’intéresse d’ailleurs beaucoup à la théologie. Pour elle, la montagne a forcément quelque chose d’un peu mystique. «Les références ne sont peut-être pas très subtiles… Je ne sais pas. A vous de me dire. Mais au début du livre par exemple, c’est vrai, ils sont douze marcheurs et le treizième, c’est le guide.» On revient à la figure de celui qui ouvre les chemins.

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D’ailleurs, il est important que quelqu’un trace la route. «Pour ne pas se casser la gueule». Ça, c’est moi qui commente. Car si le livre décrit la montagne comme un lieu magnifique, enchanteur, accueillant, reste que chez moi, c’est une boule au ventre qui s’est formée au fil des pages. On le sent: le danger est là. Partout. «C’est sûr, un pied de côté et l’on peut tomber», analyse l’auteure. Elle n’en dira pas plus pour ne pas éventer l’intrigue. Je n’en écrirai pas davantage non plus. Je vous laisse découvrir Galel.

Ecrire à l’auteure: alice.ramsauer@leregardlibre.com

Crédit photo: © KREL, extrait de couverture de Galel

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Galel, le Christ et la montagne

Fanny Desarzens 
Galel 
Editions Slaktine 
2022 
136 pages 

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