Vous êtes sur smartphone ?

Téléchargez l'application Le Regard Libre depuis le PlayStore ou l'AppStore et bénéficiez de notre application sur votre smartphone ou tablette.

Télécharger →
Non merci
Accueil » «La petite dernière»: choisir d’être inlassablement entre deux pôles

«La petite dernière»: choisir d’être inlassablement entre deux pôles4 minutes de lecture

par Lauriane Pipoz
0 commentaire
© Sam Kolder / Pexels

Les bouquins du mardi – Lauriane Pipoz

Le roman en partie autobiographique de Fatima Daas est sorti à la fin de l’an dernier. La jeune auteure y raconte des fragments de sa vie à travers une fiction étonnante. Entre sexe et islam, amour des femmes et de sa famille, ce premier récit est une bombe à retardement.

Fatima Daas, auteure française d’origine algérienne de 25 ans, a déjà l’étoffe des grandes. Son premier livre, La petite dernière, est époustouflant. Cet ouvrage, écrit en «je» et qu’elle a choisi de décrire comme un roman, raconte aussi sa propre histoire. On y découvre enfance, conflits adolescents, amis, amours – et surtout emmerdes. Car Fatima Daas – un pseudo – est musulmane et lesbienne. Et se réserve le droit de ne pas choisir. Puisqu’elle ne le veut pas, et qu’elle n’a pas le choix.

Un livre éclaté

Chacun des courts chapitres commence de la même manière. L’auteure rappelle son prénom et révèle un élément qui s’y rattache. L’histoire de sa naissance, l’étymologie de son nom, son rapport à la religion… Les mêmes angles, qui annoncent les thèmes des chapitres, reviennent parfois. Le récit n’est pas linéaire, faisant des boucles autour de plusieurs sujets, de la sexualité à la scolarité, ce qui donne l’impression qu’il est éclaté. L’auteure revient sur plusieurs sujets, comme si elle avait besoin de les coucher sur le papier à plusieurs reprises pour les extérioriser:

«Je m’appelle Fatima Daas. J’écris des histoires pour éviter de vivre la mienne.»

Le martèlement de son nom, souvent accompagné d’une remarque sur son statut de «pécheresse», donne la même impression. Pourquoi cette idée la hante-t-elle de pareille façon? Fatima porte un prénom chargé culturellement et pense qu’elle doit lui rendre hommage. Or, elle a l’impression de le salir en péchant.

«Je m’appelle Fatima. Je porte le nom d’un personnage symbolique en islam. Un nom auquel il faut rendre honneur. Un nom que j’ai déshonoré.»

De quel péché parle-t-on? De l’homosexualité féminine. Qui n’est pas vraiment décrit comme tel dans le Coran, mais qui est considéré comme tel par les hommes de foi et la mère de Fatima Daas, qu’elle a été consulter. Le martèlement de son prénom en début de chapitre rappelle aussi par sa forme répétitive les prières: on l’aura compris, la foi fait partie intégrante de cette histoire. Contrairement au sexe, qui n’est jamais abordé frontalement. Certainement un reste de puritanisme et de l’éducation que lui a donné son père, avoue la féministe.

NEWSLETTER DU REGARD LIBRE

Recevez nos articles chaque dimanche.

Une violence interne qui se retourne contre les autres

Mais au-delà de la foi et des recommandations de son entourage, elle n’arrête pas de voir des femmes, car cela fait partie d’elle. De ce qu’elle considère comme un péché découle une grande haine. Un dégoût et une violence qu’elle reportera sur les autres, ce qu’elle rapporte dans ce qui est certainement l’action la plus forte de son récit: un croche-patte à l’un de ses camarades de classe, en l’insultant au motif de son homosexualité.

A lire aussi | Islam et homosexualité à Orlando: l’incohérence des uns et des autres

«C’est une manière de se punir elle-même à travers lui et de continuer à se détester, car elle a profondément honte de ce qu’elle est. De voir ce jeune garçon assumer sa féminité, son homosexualité, ça la rend folle. Parce qu’elle pense devoir faire taire son désir et car elle porte cette violence au fond d’elle», explique-t-elle sur les ondes de France Inter. 

Un livre parfois difficile à saisir, mais pourtant extrêmement touchant et addictif. A travers des thèmes personnels et un style singulier, l’auteure arrive à nous glisser dans ses baskets. Celles d’une personne qui «n’est pas à sa place, se sent toujours à côté, à côté de sa vie, à côté de la plaque». Derrière un récit très particulier se trouve celui, universel, d’une personne tiraillée entre deux identités a priori opposées et qui ne choisira pas. Parce qu’elle ne peut pas et qu’elle ne veut pas. Une invitation à choisir d’être soi-même sans concession.

Ecrire à l’auteure: lauriane.pipoz@leregardlibre.com

Crédit photo: Sam Kolder / Pexels

Vous aimerez aussi

Laisser un commentaire

Contact

Le Regard Libre
Case postale
2002 Neuchâtel 2

© 2024 – Tous droits réservés. Site internet développé par Novadev Sàrl