Le Regard Libre N° 31 – Jonas Follonier
Le 12 août dernier, en Virginie, une femme de 32 ans est décédée après avoir été renversée par une voiture fonçant volontairement dans la foule de manifestants anti-racistes parmi lesquels elle se trouvait. Ce groupe était venu montrer son opposition au rassemblement de plusieurs organismes de la droite dure américaine, dont les néonazis, les suprématistes blancs et le Ku Klux Klan.
Ces derniers s’étaient donné rendez-vous pour manifester contre le projet de démontage d’une statue à Charlottesville: celle d’un général sudiste défendant l’esclavage de la Guerre de Sécession. Que l’on soutienne ou pas la présence d’une telle statue, l’action de ces groupuscules n’avait rien d’illégal, pas même le port de leurs armes, permis en Virginie. Ce qu’il y a d’inacceptable, c’est leur violence, qui a mené à la mort de cette femme.
Une réaction trumpienne qui scandalise
Quelle n’a pas été alors l’indignation des médias, des vedettes et des politiciens quand Donald Trump, dans sa première et courte déclaration, a renvoyé dos à dos les deux camps. En condamnant la violence aussi bien des extrémistes de droite que des anti-racistes, le président américain montrait une fois de plus son vrai visage, a-t-on pu lire: celui d’un chef dangereux et nauséabond, qui a été élu grâce à l’extrême droite.
Face à l’explosion de critiques dont il a été l’objet, Donald Trump a ensuite déclaré dans une conférence de presse qu’il condamnait avec la plus grande fermeté les suprématistes blancs, les néonazis et autres extrémistes. «Le racisme, c’est le mal»: il n’était dès lors plus possible de dénoncer sa pseudo-connivence avec la partie droitiste. Oui mais voilà, depuis, le président des Etats-Unis a tenu à nouveau à affirmer sa pensée: «Je pense qu’il y a des torts des deux côtés». De quoi faire rugir Le Monde en France et Le Temps en Suisse, pour ne citer que ces journaux de référence.
De la violence dans les deux camps
Réfléchissons un court instant. Qu’y a-t-il de scandaleux à condamner le racisme et ses avatars tout en dénonçant la violence qui a pu être constatée chez ceux que l’on appelle les «anti-fas» (anti-fascistes)? Reprocherait-on à Donald de faire preuve de nuance? Certes, ce n’est pas le président le plus mesuré qu’ait connu l’Amérique, ni le moins vulgaire; mais à vouloir toujours le critiquer, on finit par condamner avec la plus grande vigueur ce qui, tout compte fait, est peut-être simplement juste.
Oui, il y a eu de la violence des deux côtés, bien que l’un des deux camps, celui des néonazis et autres extrémistes intolérables, soit plus dangereux que l’autre. Oui, la responsabilité du drame qui s’est produit doit être recherchée des deux côtés. La gauche anti-raciste est actuellement violente aux Etats-Unis, on le sait, ce n’est pas nouveau. Mais le fait que Donald Trump, qu’on assimile à Hitler, le dise, rend cette réalité soudain scandaleuse. Or c’est nier la réalité qui est scandaleux. Comme l’écrivait Charles Péguy, «il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit.»
En mémoire de cette femme morte tragiquement, et pour échapper à la violence trop présente dans notre monde, ne sombrons pas dans l’idéologie. Ayons le courage de la lucidité.
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
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