Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier
A bras ouverts. Après le succès de son très bon film Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu? (2014) qui mettait en scène Christian Clavier dans le rôle du traditionnel Français de droite confronté au multiculturalisme avec les compagnons de ses filles, Philippe de Chauveron signe son huitième opus. Du côté de la distribution, on retrouve Christian Clavier et Ary Abittan. L’histoire part aussi de la même idée, sauf que cette fois, ce n’est pas la bourgeoisie catholique qui se heurte à la différence, mais la gauche caviar.
En effet, Clavier incarne Jean-Étienne Fougerole, une caricature évidente des intellectuels multiculturalistes à la Bernard-Henri Lévy. Sur un plateau de télévision, il cède à la pression populaire pour ne pas être le perdant du débat et déclare, devant son contradicteur d’extrême-droite, qu’il serait prêt à accueillir des Roms chez lui pour montrer l’exemple. Bien sûr, son appel généreux va être pris à la lettre. Des «gens du voyage» vont débarquer chez lui.
Ce scénario, co-écrit par le réalisateur et son frère Marc de Chauveron, comporte tous les ingrédients d’une bonne recette comique. Mais l’accumulation de préjugés poussés à l’extrême et l’antipathie provoquée chez le spectateur à l’égard des Roms aussi bien qu’à l’égard du couple bobo pourtant très bien incarné par Christian Clavier et Elsa Zylberstein, fait que personne ne rit dans la salle. A aucun moment. C’est la première fois que je vis une telle expérience devant une comédie, avec un public pourtant relativement nombreux.
Il est vrai que le film n’a pas été salué par la presse, c’est le moins qu’on puisse dire. Taxé de «raciste», de «nauséabonde» ou encore de «détestable», cette nouvelle comédie française n’a reçu qu’une seule critique positive, celle du Figaro. Celui-ci voit dans cette polémique la preuve qu’il devient difficile de faire une comédie en France sans virer dans le politiquement correct. Sans doute le journal de droite a-t-il raison sur ce point. Il n’en demeure pas moins que le film n’est pas réussi, pour la simple raison qu’une comédie est censée faire rire.
Or, du début à la fin, l’ambiance est tendue. Chaque dialogue confirme en nous des clichés hostiles aux Roms. On se demande quand le film va provoquer une remise en question des innombrables stéréotypes qu’il véhicule. Ce moment n’arrive jamais. Les excès s’enchaînent: le chef de groupe a des dents en métal, il vole, il menace de mort ceux qui veulent toucher à sa fille encore vierge, son cousin attardé chasse des taupes avec ses dents avant de les dévorer, leur accent ne correspond pas vraiment à la réalité gitane, mais plus à du petit nègre recyclé.
Les exemples pourraient encore s’accumuler, mais passons. Alors que le résultat d’une comédie devrait être le rire réflexif, la remise en question de nous-mêmes ou d’un groupe social, le résultat d’A bras ouverts semble se situer entre l’agacement et la colère. La colère contre cette population sale, malhonnête et envahissante. Il aurait sans doute été plus efficace de centrer la caméra sur cette gauche bourgeoise qui n’arrive pas à mettre en pratique les leçons de morale qu’elle donne à longueur de journée, au lieu de faire semblant de remettre en cause la vision que nous avons des Roms et que nous n’allons de toute manière pas abandonner.
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