Jusqu’au 16 octobre, le Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds expose le travail de l’artiste vaudois Stéphane Zaech. Sur plus de cent toiles, on découvre une peinture qui distord les corps des personnages et le regard des visiteurs, tout en espièglerie.
Au premier coup d’œil, l’œuvre de Stéphane Zaech étonne. Au second aussi. Mais l’étonnement n’est plus le même. Si au début ce sont les silhouettes désarticulées, les détails dupliqués ou l’anatomie disproportionnée qui désarçonnent, ce qui déroute ensuite est l’harmonie globale qui se dégage de ces scènes. Rien n’est assorti, et pourtant tout semble à sa place. Cette impression de bizarrerie ambiguë est renforcée par les arrière-plans au calme inquiétant, ces paysages aux tons glacés où paraît se tapir la folie. Mais à bien les regarder, ces créatures difformes n’ont rien de monstrueux; elles assument au contraire un côté loufoque et extravagant, comme paradant sous un chapiteau de cirque. En détournant les codes, Stéphane Zaech rend ses tableaux ludiques.
Une exposition à libre sens
L’espace habité par l’exposition consacrée à Stéphane Zaech est immense. Les toiles ornent deux des trois étages du musée et le parcours scénographique amène le visiteur dans des salles très intimistes comme dans de vastes pièces baignées de lumière. Une telle surface à disposition permet un luxe rare: laisser aux tableaux le soin d’investir le lieu de leur univers et d’y dérouler librement leur fil narratif, sans aucune boussole. On ne déambule pas devant un accrochage, mais on pénètre véritablement dans le monde d’un peintre, dans lequel on chemine, accompagné de ses curieux personnages.
Entrer dans l’exposition que propose le musée chaux-de-fonnier, c’est prendre le temps de s’imprégner de la peinture de Stéphane Zaech et marcher parmi les silhouettes, jusqu’à ce qu’elles deviennent familières; c’est laisser au visiteur le soin de construire sa digression artistique, sans lui imposer de propos ni d’itinéraire.
Détourner notre regard, interroger notre rapport au corps
Stéphane Zaech nous exhorte à dépasser l’étrangeté apparente des scènes, à oser franchir le voile mystérieux qui travestit l’espace, pour accéder à notre altérité. Car au-delà de l’expérience esthétique de la visite, les tableaux de Stéphane Zaech interrogent notre rapport au corps parfait et notre volonté de toujours plus modifier notre aspect physique, amincir certaines formes, en grossir d’autres, le rendant finalement dysmorphique.
Cette rétrospective des dix dernières années de création du peintre suisse est l’occasion de découvrir un artiste qui se joue des canons classiques de l’art pour nous inviter à chercher l’évidence ailleurs. Stéphane Zaech peint le monde d’aujourd’hui avec les techniques des maîtres anciens et dévoile un espace-temps pictural où tout est en même temps familier, énigmatique, poétique et magique, sans pour autant se départir d’une simplicité. Et c’est aussi facétieux que saisissant.
Ecrire à l’auteur: quentin.perissinotto@leregardlibre.com
Crédit photos: © Quentin Perissinotto pour Le Regard Libre
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