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«Papicha»: le fond dérobé par la forme3 minutes de lecture

par Fanny Agostino
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Les mercredis du cinéma – Fanny Agostino

Avec fougue et quelques maladresses, Mounia Meddour s’intéresse à la résistance invisible en Algérie. Dans les années quatre-vingt-dix, des étudiantes refusent de se soumettre à la montée islamiste bousculant leur quotidien en organisant un défilé de mode. Un film juvénile pour ses qualités comme ses défauts.

Cité étudiante U à Alger, au milieu de la nuit déserte. Nedjma et Wassila font le mur et s’enfoncent dans un taxi clandestin. Alors que les attentats perpétrés par des groupes islamistes menacent la stabilité politique du pays, ces étudiantes en licence de français bravent les interdictions pour rejoindre la piste de danse. Dans un sac doré, tout leur attirail de clubbeuses est prêt à être endossé. Une seconde peau, loin des regards moralisateurs. Dans les toilettes des boîtes d’Alger, Nedjma, alias Papicha – femme belle et libre en langue arabe – installe son éphémère commerce à rêves. Les femmes se pressent pour lui commander des robes qu’elle dessine elle-même.

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Ce quotidien se transforme et passe de l’insouciance désinvolte à une résistance assumée alors que les sympathisants islamistes multiplient les collages d’affiches prônant la burqa. Une escalade dans la négation des libertés des femmes s’installe. Si Papicha et ses coreligionnaires luttent verbalement, cette première salve est stoppée net par un assassinat. Après la colère, vient le temps de l’action. Papicha fera défiler ses amies lors d’un gala organisé à l’université qui mettra en lumière ses créations, peu importent les risques.

Sidérante jeunesse

Par la fiction, Mounia Meddour réactualise la décennie noire, sujet encore brûlant en Algérie. Preuve en est l’annulation de l’avant-première du film en septembre dernier à Alger alors que le film est, à l’heure où nous écrivons ces lignes, en course pour représenter son pays aux Oscars… Une censure qui n’est pas sans rappeler celle de Much Loved (2015) du franco-marocain Nabil Ayouch. Si ce dernier évoquait la prostitution au Maroc, il brossait également le portrait de femmes insoumises, faisant surgir en creux les soubassements d’une société et de ses mœurs. Point notable entre les deux longs-métrages, la frénésie et l’impétueuse spontanéité des protagonistes lors des dialogues mordants qui font se chevaucher le français et l’arabe.

A l’instar de la solaire et intrépide Lyna Khoudri, Meddour use d’une réalisation pugnace et espiègle, privilégiant la mobilité de la caméra. Dans ce capharnaüm, tout un réseau se dévoile: de l’épicier dissimulant les derniers jeans Levi’s sous son comptoir aux rapports entre ces femmes différentes partageant la même chambrée, entre poster de Roch Voisine et tapis de prière.

Noblesse des intentions, échec de la pratique

Reste une gêne. Le critique est dans l’embarras; si le thème est vénérable tout comme l’idée du scénario, il faut tout de même pointer le grand bémol de ce film. Mounia Meddour s’abreuve de la jeunesse tout en en absorbant les défauts. Ainsi, trop de séquences sont tirées en long et en large par une détermination outrancière à souligner les émotions qu’elles sont censées susciter. C’est notamment le cas d’un moment où des femmes en burqa interpellent Papicha sous une musique digne des Dents de la mer, octroyant à cette scène une dimension quasi comique malvenue. La séquence du défilé et celle qui la suit sont quant à elles bâclées et laissent le spectateur sur sa faim.

En voulant trop bien faire, Meddour perd quelque peu son audience dans la seconde partie du film. Il en reste une fiction éclairante sur une question qui résonne étrangement avec l’actualité française. Si elle s’est quelque peu égarée pour ce premier film, la réalisatrice sera néanmoins attendue au tournant pour la suite.

Ecrire à l’auteure: fanny.agostino@leregardlibre.com

Crédit photo: © Cineworx

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