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Lectures du Goncourt 2017 (épisode 2/2)2 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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Le Regard Libre N° 34 – Loris S. Musumeci

Tiens ferme ta couronne, Bakhita, L’Art de perdre et L’ordre du jour formaient une liste de qualité en tant que finalistes pour l’irremplaçable Prix Goncourt. Le 6 novembre, c’est finalement L’ordre du jour d’Eric Vuillard qui l’emporta. Retour sur l’impression suscitée par ce court roman atypique mais puissant.

« Le Soleil est un astre froid. Son cœur, des épines de glace. Sa lumière, sans pardon. En février, les arbres sont morts, la rivière pétrifiée, comme si la source ne vomissait plus d’eau et que la mer ne pouvait en avaler davantage. Le temps se fige. Le matin, pas un bruit, pas un chant d’oiseau, rien. Puis une automobile, une autre, et soudain des pas, des silhouettes qu’on ne peut pas voir. Le régisseur a frappé trois coups mais le rideau ne s’est pas levé. »

Ainsi s’ouvre le récit. Sans les deux dernières phrases du paragraphe d’incipit, le spectateur s’attend à un bal de descriptions rebondissant d’une illustration à une autre. Les intermèdes descriptifs demeurent tout au long de l’ouvrage, tantôt sous forme de paragraphes rythmant la page, tantôt en aphorismes évoquant le lien indéfectible entre les hommes et l’environnement tel qu’ils le perçoivent. A cela s’ajoutent de brèves réflexions de l’auteur qui embrasent d’une seule étincelle tout le sens des épisodes mentionnés dans l’ouvrage.

Le 20 février 1933

L’histoire, à l’image de l’Histoire, n’a pas de début ; pas de fin non plus. Elle est cyclique. Les automobiles évoquées dans l’introduction sont celles qui conduisent les plus grands industriels allemands, « ceux qui nous soignent, nous vêtent, nous éclairent », au palais de l’Assemblée, le soir du 20 février 1933. Le parti nazi a besoin de leur soutien. Chacun y gagnera. On assure aux notables une société allemande nationale et sociale, présentant le travail devant l’autel de la consécration. On leur annonce la venue du nouveau chancelier. Les vingt-quatre bons hommes sont déjà séduits et impatients.

« Il y eut quelques bruits de portes, et le nouveau chancelier entra enfin dans le salon. Ceux qui ne l’avaient jamais rencontré étaient curieux de le voir. Hitler était souriant, décontracté, pas du tout comme on l’imaginait, affable, oui, aimable même, bien plus aimable qu’on ne l’aurait cru. Il eut pour chacun un mot de remerciement, une poignée de main tonique. »

Un mélange de ridicule et d’effroi

Eric Vuillard revient à cette réunion qui changea le cours de l’Histoire aux dernières pages de son livre. Il prend entre-temps la liberté de s’aventurer au sein de moments plus discrets, qui ont laissé s’abattre sur l’Autriche la domination allemande ; ou encore aux infimes mises en scène quasiment théâtrales qui troublèrent les services secrets d’Europe.

En passant par Londres en 1938, lors d’un dîner burlesque entre l’ambassadeur du Reich, Chamberlain, Cadogan et Churchill ; par Nuremberg, au moment du procès contre le régime nazi et ses crimes, l’auteur du Goncourt 2017 ne laisse apparaître qu’un message clair et distinct : « On ne tombe jamais deux fois dans le même abîme. Mais on tombe toujours de la même manière, dans un mélange de ridicule et d’effroi. »

Ecrire à l’auteur : loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo : © maisondelapoesieparis.com

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