Regard sur l’actualité – Jonas Follonier
Cette semaine, Charles Aznavour a reçu le prix Nikos Gatsos 2016 décerné aux auteurs de chansons. Il faut dire que le chanteur de nonante-deux ans en a écrit plus de huit cents, ce qui reste un très haut chiffre en comparaison avec les autres auteurs-compositeurs-interprètes. Or il est bien connu que ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Et force est de constater que le jury, présidé par la chanteuse Nana Mouskouri, ne s’est pas trompé : les chansons d’Aznavour témoignent d’un talent remarquable d’écriture poétique et de sensibilité musicale. Mieux, elles définissent un style.
Le style d’Aznavour est constitué tout d’abord d’une certaine régularité métrique. Beaucoup de ses chansons sont composées de vers français classiques, à savoir d’alexandrins et d’octosyllabes, bien sûr arrangés çà et là pour les besoins de la musique. Aznavour, déjà dans sa génération, est l’un des seuls à montrer une telle rigueur poétique. Il convient de la saluer, d’abord en tant que telle, mais aussi pour le plaisir qu’elle procure à l’écoute de chansons telles que Le toreador, La mamma ou la récente Avec un brin de nostalgie.
Ce sublime titre de 2015 nous mène à une deuxième caractéristique du style aznavourien : l’art de magnifier les thèmes de la nostalgie, de la mélancolie, du temps, de l’amour. Ces éternels moteurs artistiques, évidemment liés, sont abordés d’album en album dans le répertoire de Charles Aznavour. Reconnaître son génie, c’est se demander comment il est possible d’être encore et toujours ému par les mêmes sujets : un amour perdu, un souvenir d’enfance ou encore une réflexion sur le temps qui passe.
Enfin, s’il fallait donner une troisième marque de fabrique du registre propre à Aznavour, nous pourrions mentionner de manière générale la subordination de l’instrumentation aux textes. Le verbe, et nous pourrions même écrire « le Verbe », compte tenu de la dimension chrétienne de son oeuvre, est primordial dans les chansons de ce maître de la chanson française. A la fois premier et essentiel, il démontre comme souvent que c’est au cœur des mots que se trouvent les maux du cœur. Et c’est ensuite à la musique de montrer leur grandeur.
Ecrire à l’auteur : jonas.follonier@leregardlibre.com
Ecouter Avec un brin de nostalgie :