Pour ceux qui attendent depuis si longtemps le nouvel album studio de Michel Polnareff – dont le dernier, Kâma-Sûtra, remonte à 1990 – la présence notamment sur l’iTunes Store et en précommande à la FNAC de ce nouvel opus génialement intitulé Enfin! a de quoi susciter l’émotion. Oui, cette fois-ci, ce n’est pas une blague, voire un mensonge. Polnareff avait le même discours depuis le début: «le disque sortira quand il sera parfait et fini.» Loin de se moquer de son public, il lui a préparé ce qui d’abord devait le satisfaire, lui, pour qui seul le résultat final compte.
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Cette nuit, à 00h01, Grandis pas est sorti comme par magie sur les plate-formes de téléchargement, se comprenant comme le premier single de ce nouvel album de chansons originales. Certes, il y a eu L’Homme en rouge, sorti en décembre 2015, lorsque l’album était «presque terminé», mais la rumeur veut que cette complainte grandiloquente traitant de la solitude à Noël ait été arrangée dans une nouvelle version pour l’album à paraître dans deux semaines. Grandis pas est donc le premier extrait dont nous sommes sûrs qu’il figurera entre nos mains, ou entre nos oreilles, pour ainsi dire.
Un retour à son âge d’or
Et alors, on écoute, et on pleure. Tant d’émotion dans la voix de Michel Polnareff, cela ne s’était peut-être jamais entendu dans une création de studio. Sur des textes co-écrits avec Doriand, qui participe également à trois autres titres de l’album à paraître le 30 novembre, une musique intégralement composée par Polnareff et une réalisation du grand Ryan Freeland, Grandis pas est une longue ballade en piano-voix qui fait renouer le chanteur avec son âge d’or marqué par des perles telles que Nos mots d’amour, Qui a tué grand-maman? ou Ça n’arrive qu’aux autres, mais sans cordes ni batterie. L’avant-goût d’Enfin! livré cette nuit par l’artiste est d’une sobriété ahurissante.
Le choix de ces arrangements minimalistes est d’autant plus ahurissant que Michel Polnareff avait habitué son public à de grandes orchestrations tonitruantes, dans la ligne de Gloria (1970), l’une des marques les plus saillantes de son génie. L’Homme en rouge procédait de ce style-là. Peut-être l’auteur-compositeur-interprète a-t-il tiré la leçon de la relative déception d’une partie de ses admirateurs et des médias lors de la sortie de ce titre il y a trois ans, qui malgré la qualité unanimement reconnue de son instrumentation et – comme toujours – de sa mélodie, laissait entendre une voix très lissée pop.
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Sur Grandis pas, on entend Polnareff comme s’il se produisait devant nous, en direct, derrière son piano. La larme à l’œil et le cœur à découvert. C’est un père qui s’adresse au monde, un père qui ne veut pas que son petit garçon devienne un grand et qui l’exprime dans une tendresse dénudée et assumée. Ce Polnareff sensible, cet Amiral qui navigue entre le chant et le murmure à certains moments de cette chanson de 5’10’’, cette voix qui part en vrille d’émotion, c’est celui qu’on aime le plus et qui accouche, assurément, d’une nouvelle œuvre de maître.
Le courage de Polnareff
Paradoxalement, c’est le courage de Michel Polnareff que nous retiendrons en ce jour important pour sa carrière. Le courage d’assumer son timbre, qui n’est évidemment plus le même que celui que l’on entend sur Love Me Please Love Me (1966) ni sur Je t’aime (1981), mais qui a un charme différent et tout aussi ensorcelant. Le courage de mettre en avant ce qu’on appelle une «chanson d’album», un titre qui n’a rien d’un hit radiophonique mais qui témoigne d’un album léché dans ses moindres recoins mélancoliques. Le courage de s’adresser ainsi à son fils. Et le courage de publier cette lettre intime et filiale au grand public.
«Garde l’âge des nuages
Tendres et légers
Ce visage, paysage
Tellement parfait
Fais attendre cet homme
Cet homme qui est en toi
Qui nous séparera
Malgré toi, malgré nous
Malgré moiEt quand tu te tenais
A moi, face à l’inconnu
J’aimais tellement te rassurer
Maintenant, c’est moi qui suis perdu»
Il nous en faudra du courage, à nous aussi, pour attendre l’album Enfin! qui sortira dans deux semaines jour pour jour. Et ce, sans céder à l’impatience.
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Crédit photo: © Wikimedia CC BY 4.0 – El pitareio