Cette semaine, nous avons eu droit à une nouvelle «vague de révélations» concernant le monde du football. Ces dossiers «leakés» régulièrement de manière anonyme depuis quelque temps mettent généralement en lumière des fraudes fiscales de joueurs célèbres ou des intrigues obscures au sein de différentes instances du football.
Les nouveaux éléments épinglent cette fois-ci particulièrement le Paris Saint-Germain, club de la capitale française racheté en 2011 par le Qatar et connu notamment auprès du grand public pour les montants faramineux de certains de ses transferts de joueurs de plus d’une centaine de millions d’euros. On les accuse d’avoir investi près de deux milliards lors de ces sept dernières années. Théoriquement à l’encontre des règles financières en vigueur – «le fameux fair play financier» – les montages financiers mis en place auraient été couverts par Michel Platini et Gianni Infanito, respectivement ancien président et ancien secrétaire général de l’UEFA.
Mediapart, qui a publié certains documents, révèle également que Nicolas Sarkozy aurait proposé à l’époque à l’émir du Qatar de racheter un club et une chaîne sportive en France. En échange, Michel Platini ferait en sorte que la Coupe du monde serait organisée au Qatar en 2022. Un scandale, sans aucun doute. Mais est-ce si surprenant sachant les liens entre Sarkozy, Platini et le Qatar, ainsi que l’opacité dans laquelle se prennent les décisions telles que l’attribution d’une Coupe du monde?
Une autre «révélation fracassante» au sujet du club de la Ville Lumière: les joueurs touchent une «prime éthique» pouvant aller jusqu’à trois cent mille euros par mois pour saluer les fans ou se prendre en photo avec de jeunes supporters. Indécent? Bien sûr. Mais à quoi s’attendre d’un club sans culture ni identité dont la marque de fabrique est l’achat à prix exorbitant de joueurs dont la motivation première n’est probablement pas l’amour du maillot?
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La dernière question qui a défrayé la chronique dans l’hexagone traduit soit une hypocrisie collective, soit une ignorance crasse, à choix. Les Football Leaks présentent le Paris SG – encore lui – comme un club qui fiche ses joueurs et potentielles recrues selon des critères ethniques. «Indécent et inacceptable» dans le pays de l’égalité. Or, il s’agit d’une pratique courante et connue dont on s’insurge comme si elle surprenait. Ce n’est pas sans rappeler les discussions qui avaient lieu en France en 2010 lorsque l’idée d’instaurer des quotas avait été émise. Encore une fois, rien de neuf, mais plutôt du réchauffé journalistique.
En tant qu’observateur helvétique, on ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser à la «polémique de l’aigle» lors du dernier mondial lorsque deux joueurs suisses d’origine kosovare avaient mimé l’aigle albanais après avoir marqué contre la Serbie. Certains grands esprits de l’Association suisse de Football en ont profité pour lancer le débat de la binationalité et de la présence (trop importante) de jeunes issus de l’immigration dans les équipes nationales, allant même jusqu’à suggérer que les adolescents renoncent à leur deuxième nationalité lors de leur première sélection. Aucune surprise, mais des polémiques stériles et sans intérêt, en somme.
Ces Football Leaks représentent donc un non-événement, et sont bien loin d’être un choc pour le microcosme footballistique. Chaque observateur plus ou moins assidu, passionné par le football ou non, est bien conscient de la corruption endémique présente dans le monde du football. L’effet «prise de conscience» ne fonctionne pas et l’on continue à perpétrer le système en «consommant» ce sport. Chaque pseudo-révélation présentée comme un point d’inflexion ne sera qu’une tempête dans un verre d’eau tant que le système ne subira pas de changement profond et que les enjeux seront plus politiques que sportifs.
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Crédit photo: © Wikimédia CC 2.0 – Ungry Young Man