La cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris a mis à l’honneur la diversité et la fluidité des genres. Or, sitôt la soirée terminée, le monde du sport a vite repris ses droits, ne reconnaissant que deux sexes: masculin et féminin.
La cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris fut spectaculaire et dérangeante, osant quelques tableaux sulfureux. Elle a célébré le monde des femmes au moyen d’une dizaine de statues à leur honneur et la diversité des genres par une scénographie présentant, entre autres, l’univers transgenre des drag queens.
L’égalité avance aussi au niveau sportif. Pour la première fois aux JO, les femmes sont représentées à parité avec les hommes toutes compétitions confondues. Et des épreuves mixtes ont lieu. Mais l’égalité s’arrête ici. En dépit de l’acceptation d’une athlète trans à Tokyo en 2021, les JO de Paris ont refusé de prendre en compte le genre. Le sport mondial demeure une citadelle conservatrice.
De plus en plus de disciplines mixtes
A Paris, environ 20 des 329 épreuves disputées devraient être mixtes, comme un nouveau relais 4x400m mixte, le triathlon par équipe ou la natation artistique par équipe. Cette mixité collaborative, nécessaire et saluée par tous, ne change cependant pas l’équilibre fondamental: un homme (XY) se mesure à un autre homme et une femme (XX) à une autre femme. Il n’y a aucune possibilité d’aligner trois hommes dans une équipe mixte contre un seul dans une autre.
Mais pourquoi ne pas supprimer simplement les catégories hommes/femmes au nom d’un véritable égalitarisme? La raison est morale («ce serait injuste car les hommes écraseraient les femmes»), qui s’appuie sur un fait établi: l’invariant anthropologique des différences de performance entre sexe masculin et sexe féminin.
Quelques avantages masculins et féminins
En sport, les avantages masculins et féminins ne sont pas identiques, comme le montrent quatre différences importantes:
1. La capacité de consommation maximale d’oxygène (VO2max) s’avère nettement plus élevée chez l’homme, qui peut emmagasiner et utiliser plus d’oxygène.
2. Le ratio muscle/graisse de la masse corporelle totale est, en moyenne, favorable aux hommes. Bien que ce ratio varie selon les disciplines (marathon versus judo), l’athlète masculin possède en moyenne plus de muscle et moins de graisse.
3. La taille et le poids du corps sont, en moyenne, supérieurs chez les hommes.
4. La souplesse ligamentaire et le centre de gravité plus bas profitent, en règle générale, aux femmes.
Il en résulte que le sexe masculin dispose de plus de puissance, de rapidité et de détente, alors que le sexe féminin possède davantage de souplesse, d’agilité et, selon de nombreux spécialistes, de force mentale. Ces faits ne sont pas propres aux populations européennes: on les observe dans les 193 Etats du monde. Ainsi, il apparaît sensé de distinguer les sexes sur la base de critères objectifs.
Exemples de records du monde d’athlétisme
Si l’on s’intéresse à la course à pied, les femmes sont plus lentes que les hommes de 9% à 12%. Usain Bolt détient le record masculin du 100m en 9s58 par opposition aux 10s49 de Florence Griffith-Joyner. Au marathon, le record masculin est détenu par Kelvin Kiptum en 2h00m35s, contre les 2h11m53s de Tigist Assefa.
Pour les épreuves de saut, les hommes sautent à des hauteurs de 16% à 24% supérieures à celles de femmes. En saut en hauteur, Javier Sotomayor a sauté 2m45, contre 2m10 pour Yaroslava Manuchikh. Et Jonathan Edwards a sauté 18m29 en triple saut, contre 15m74 pour Yulimar Rojas.
Pour les épreuves de force, les hommes soulèvent des poids de 20% à 45% supérieurs à ceux des femmes. En haltérophilie, le record toute catégorie du monde masculin appartient à Lasha Talakhadze avec 492kg (225kg en arraché et 267kg en épaulé-jeté), contre 335kg pour Li Wenwen (148kg et 187kg).
De leur côté, les femmes bénéficient de certains avantages dans les disciplines qui demandent agilité et souplesse, comme la natation artistique ou la gymnastique. Les barres asymétriques et la poutre leur sont exclusivement réservées.
En fait, il n’existe qu’une seule discipline vraiment égalitaire, où homme et femme peuvent concourir en face-à-face: l’équitation. C’est le cheval qui fait la différence.
La validation de l’hypothèse de la supériorité des performances masculines
Rationaliste critique, le philosophe Karl Popper (1902-1994) affirmait que, pour être rigoureux en science, il faut d’abord présenter une hypothèse de travail claire et cohérente («les hommes sont supérieurs aux femmes dans les sports de vitesse, de force et de détente»), puis faire tout son possible pour la réfuter sur le terrain. Si l’hypothèse résiste aux tests effectués dans des situations variées, elle peut être considérée comme loi provisoire.
Or, c’est précisément ce qui se produit lors de chaque compétition. Au moyen des mesures affichées sur son écran, chacun est invité à dénicher la contre-preuve qui invaliderait l’hypothèse de l’asymétrie des performances entre les sexes. Cette démarche scientifique a débuté il y a un siècle lors des premières mesures officielles.
Le résultat? Des millions de concours ont eu lieu depuis et aucune exception n’a été relevée. Jamais la femme la meilleure dans sa spécialité n’a pu gagner, ou rivaliser, contre son homologue masculin. A âge, entraînements et équipements équivalents, les hommes demeurent supérieurs aux femmes dans les sports de vitesse, de force et de détente. L’hypothèse tient toujours: c’est un jugement de fait.
Transgenrisme et intersexualité
Pourtant, certains athlètes trans questionnent cette hypothèse. C’est le cas de la femme trans canadienne Anne Andres qui, lors d’un concours national en 2023, a écrasé ses concurrentes et pulvérisé des records féminins. Problème: Anne Andres est née homme et, jusqu’à sa trentaine, a bénéficié des avantages d’un corps masculin. Malgré son taux actuel de testostérone bas, de nombreuses compétitrices indignées ont exigé son exclusion des compétitions et l’annulation des records.
Leur argument: le critère objectif biologique doit l’emporter sur le critère subjectif de l’identité de genre. Sinon, il s’agit d’une concurrence déloyale, voire d’une imposture. La controverse est loin d’être close: ces femmes ont été accusées d’être des terf (trans-exclusionary radical feminist), à savoir des féministes transphobes. Le cas des athlètes trans confirme cependant l’influence déterminante de la biologie sur les résultats sportifs.
Il reste cependant un cas très particulier, celui de l’intersexualité et de l’hyperandrogénie, confondues à tort avec le cas du transgenrisme. On peut rencontrer en effet des athlètes qui, biologiquement parlant, se trouvent à cheval entre sexe masculin et féminin. Définir clairement le sexe en biologie est en effet une tâche complexe. Au moins trois définitions existent: le sexe chromosomique, le sexe hormonal et le sexe anatomique.
A lire aussi | Un troisième genre dans le registre de l’état civil? Pas si vite!
Il peut arriver que ces trois aspects du sexe biologique ne soient pas en concomitance. Une personne peut apparaître XX au niveau chromosomique, mais bénéficier d’un taux anormalement élevé de testostérone: c’est l’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS). Dans ce cas, elle est génétiquement femme, mais hormonalement homme.
Il y a aussi le cas de personnes mâles dont l’embryon XY résiste, au cours de la vie in utero, aux hormones mâles et développe des caractéristiques anatomiques complexes: un vagin, un clitoris et des testicules. Le 1er août 2024, La boxeuse algérienne Imane Khelif, qui a vaincu en 46 secondes la boxeuse italienne Angela Carini – créant un buzz démesuré aux allures géopolitiques – appartient à l’un de ces cas particuliers. Ces personnes vivent les choses douloureusement, accusées d’être des usurpatrices, alors qu’elles méritent attention et dignité.
Ces cas rares ne remettent pas en question la distinction normative entre hommes et femmes dans les compétitions. Aujourd’hui, à part quelques exceptions régionales, il n’y a pas de place pour le genre dans les Fédérations internationales des disciplines. En 2023, l’UCI (l’Union cycliste internationale) et la World Athletics (la Fédération athlétique mondiale) ont annoncé l’exclusion des athlètes trans de leurs compétitions. Selon les fédérations, le principe d’inclusivité ne doit pas mettre en péril l’égalité des chances. Même si le sexe biologique peut être complexe à définir à ses marges, c’est toujours selon lui que tout athlète, homme ou femme, doit être jugé.
Une expérience de pensée: Judith Butler préside les JO
COMMENTAIRE. Imaginons que Judith Butler, théoricienne majeure du gender, devienne présidente du CIO et, au nom de la «performativité du genre», impose un nouveau règlement.
Elle affirmerait que le genre et le sexe n’existent pas factuellement, mais seulement dans nos catégories de pensée et de langage qui instaurent le monde selon un rapport de pouvoir. Elle défendrait ainsi la toute-puissance de la pensée et du langage contre la biologie, simple vue d’esprit qui oppresse les femmes et les trans. Comme le genre est performatif, il suffirait à toute femme de croire fermement qu’elle est un homme – ou autre – pour mieux réussir. Ainsi, les différences de performance fondées sur la biologie s’évanouiraient comme par magie.
A lire aussi | Paris 2024 sous haute tension
D’autre part, elle plaiderait pour le brouillage des genres et des sexes selon la ligne idéologique de son livre Gender Trouble en 1990. Il n’y aurait qu’une seule catégorie d’une variété extraordinaire (de tous les sexes et genres possibles), laissant le champ libre à une domination écrasante du sexe masculin sur le sexe féminin. Niant la biologie, mais rattrapée par elle à son corps défendant, Butler serait alors contrainte de crier au complot fomenté par la caste des masculinistes qui cherchent à restaurer le patriarcat.
Les instances internationales ne suivent pas ces idées folles, déconnectées de toute réalité. Il convient de juger les femmes de manière distincte, par discrimination protectrice. Le philosophe Ruwen Ogien rappelait régulièrement le principe moral: «Il faut traiter les cas similaires de façon similaire». Les femmes qui se vouent corps et âme au sport depuis leur enfance ont en effet droit à une compétition loyale entre elles et espérer un jour être les meilleures dans leur catégorie sans devoir affronter une femme trans injustement avantagée. Il en va en sport comme en géopolitique: la frontière, souvent, protège.
Yan Greppin est professeur de géographie et de philosophie au Lycée Denis-de-Rougemont, à Neuchâtel.