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«Ant-Man 3»: de trop grandes ambitions pour un si petit héros6 minutes de lecture

par Mathieu Vuillerme
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antman

Le plus petit héros de Marvel revient pour une troisième aventure, et cette fois-ci en famille, dans le monde quantique. Un projet d’une telle ampleur pour un héros si anecdotique n’était-il pas un peu dangereux?

Après les événements d’Avengers: Endgame (Anthony et Joe Russo, 2019), et notamment le saut de cinq ans, Ant-Man n’a plus vraiment de raison d’être. Il a sauvé le monde, écrit un livre et quitté son job de vendeur de café. Mais… sa fille a récemment construit un portail vers le monde quantique dans lequel toute la famille est aspirée. Là, un nouvel ennemi semble avoir besoin de notre héros pour revenir sur Terre et la conquérir.

Un film trop grand pour lui

Si ce résumé semble flou et hasardeux, c’est bien parce que le film l’est. Il s’avère en effet intéressant d’analyser son cas: le film est symptomatique du problème de Disney dans sa «phase quatre» (les productions sorties depuis Avengers: Endgame). Coincé dans sa position de «pas assez important» pour servir de fer de lance, mais trop «engagé» dans le plan général du studio pour ne bénéficier que d’apparitions sporadiques. En résulte un long-métrage bâtard qui ne sait jamais sur quel pied danser. De même que son protagoniste.

Ant-Man and the Wasp Quantumania © Marvel Studios

Ant-Man n’est clairement pas un héros qui fait rêver petits et grands, il n’est pas assez connu ou puissant, n’a pas une histoire prenante et seuls les traits de son comédien (Paul Rudd) sont identifiés. Ainsi, Disney l’a très vite entouré de deux interprètes reconnus (Michael Douglas et Michelle Pfeiffer), a bardé les scénarios d’humour et a surtout pris un tel recul sur son personnage en conscientisant son «ridicule» qu’il en est devenu une simple blague d’arrière-scène. Le film commence d’ailleurs par un résumé des derniers faits de son héros, mais celui-ci est inutile pour les fans et trop vague pour les néophytes. De fait, cela fonctionnait tant que la franchise se contentait d’histoires mineures, mais Quantumania a pour volonté de présenter le futur grand méchant pour les cinq ans à venir, et c’est là que le bât blesse.

Un méchant engoncé

L’antagoniste du film, Kang le conquérant, est une tête bien connue des fans de comics. Il est en effet un ennemi très puissant, maîtrisant le temps et les univers parallèles. Sauf qu’ici, il est compliqué de le vendre ainsi tout en lui faisant porter la casquette «d’ennemi générique», habituel de ce genre de métrages. Ainsi, Kang est engoncé dans un costume trop petit: parfois trop puissant, parfois trop faible. Son pouvoir, pourtant démesuré à l’origine, est ici tellement flou qu’il est utilisé comme facilité scénaristique continue. Et si cela est possible, c’est parce qu’il n’est absolument pas introduit: le spectateur ne connaît ni l’étendue, ni les limites de ses pouvoirs, ni son passé, ni son but.

Ce manquement grave au scénario permet alors à Disney de ne jamais trop se mouiller quant à l’utilisation de son personnage. Et tout le film fonctionne ainsi. Si une situation paraît illogique, c’est parce que cela s’explique hors champ. C’est ce qui fonde, par exemple, l’absence totale d’explication quant à la fille de Ant-Man, apparue trois minutes dans un autre film, capable soudainement de créer des portails vers d’autres mondes. Comme le film ne l’a jamais exprimé auparavant, il est beaucoup plus simple de dire que c’est «possible». Et cela pose un immense souci scénaristique: la suspension d’incrédulité consentie.

Ant-Man and the Wasp Quantumania © Marvel Studios

La suspension d’incrédulité consentie est un concept nommé en 1817 par Samuel Coleridge décrivant l’opération mentale qu’effectue le public à consentir de mettre de côté son scepticisme le temps de l’œuvre de fiction qu’il consomme. C’est pour cela que personne ne crie à l’irréel lorsque Ant-Man rétrécit – c’est le parti pris à accepter quand on entre dans la salle. En revanche, si un personnage n’a jamais été montré en train d’effectuer une action et que, pour les besoins du récit, il en est soudainement capable sans explications, cela dépasse cette suspension d’incrédulité. Et tout le film, de même que presque tous les derniers Marvel, fonctionne ainsi.

Un film utile pour tout apprenti scénariste

Si Ant-Man et la Guêpe: Quantumania a bien un avantage, c’est d’énumérer une grande partie de tout ce qui fait défaut dans les productions grand public actuelles. Car outre la suspension d’incrédulité consentie, le film souffre de facilités d’écritures trop lourdes pour être acceptées. Les héros semblent perdus? Un phénomène sorti du chapeau vient les sauver (concept appelé le Deus ex machina). Une situation est trop dramatique? On ajoute une blague pour détendre l’atmosphère. Au final, même l’apparition d’un antagoniste attendu des fans est tellement absurde et ridicule que l’on a l’impression d’assister à une parodie.

Ant-Man and the Wasp Quantumania © Marvel Studios

Mais si le film est ainsi construit, c’est également parce qu’il manque cruellement un auteur à sa tête. Peyton Reed, le réalisateur de la trilogie Ant-Man est en effet ce qu’on appelle communément un «yes man». Ayant débuté par des comédies légères (La Rupture en 2006 et, ironiquement, Yes Man en 2009), l’homme est un faiseur qui suit la direction du studio sans construire une cohérence visuelle dans son œuvre ni imposer une vraie patte. Le film se résume donc à une bouillie d’effets spéciaux aux incrustations laides et ses comédiens (pourtant tous bons sur le papier) sont à la ramasse. Seuls sont à sauver Jonathan Majors et William Jackson Harper, que l’on voit ramer avec leur partition et Paul Rudd, dont le timing comique permet de sauver une ou deux blagues.

C’est donc un film pauvre et inintéressant que nous propose Marvel pour ce début 2023. Constat d’autant plus regrettable que celui-ci ouvre la «phase cinq» du studio, qu’il présente un dernier arrivé important parmi les antagonistes ainsi qu’un nouveau monde, et qu’il sert probablement à installer le futur de la franchise, qu’on espère pourtant terminée.

Ecrire à l’auteur: mathieu.vuillerme@leregardlibre.com

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