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Critique

«Cascadeuses», plus rock que prévu6 minutes de lecture

par Indra Crittin
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Cascadeuses Virginie Arlaud © Bande à part Films

Cascadeuses: un métier de l’ombre décliné au féminin pluriel qui fait l’objet du documentaire porté par Elena Avdija. Un triple portrait qui questionne avec brio les représentations de la violence sur nos écrans. Arrêt sur image, le temps d’échanger avec la réalisatrice.

Aux yeux d’Elena Avdija, le «vrai» titre du film reste Jouer le mal: «J’en avais marre d’expliquer que cela n’avait rien n’à voir avec “jouer le mâle”, alors on l’a changé pour Cascadeuses.» Le titre définitif de son premier long-métrage permet de rendre visibles celles qui ne figurent pas systématiquement dans le générique des films, faute de temps, ou histoire de maintenir l’illusion que les stars exécutent elles-mêmes leurs actions. Ainsi, tour à tour, Virginie, Petra puis Estelle sont introduites par un carton avec leur prénom en lettres majuscules rouges sur fond noir. Les aller-retours entre les instants de vie de chacune sont fluides, l’heure et demie file rapidement. Le montage assuré par Myriam Rachmuth – Prix du Cinéma Suisse 2021 du meilleur montage pour Petite sœur – est ni répétitif, ni trop prévisible.

Les premières recherches en vue du documentaire ont amené Elena Avdija à rencontrer Virginie Arlaud, la cascadeuse française de référence, qui travaille désormais plus volontiers comme régleuse (coordinatrice de cascades), un milieu encore très masculin. Dans une séquence en particulier, elle semble coupée des autres après le débrief d’une cascade qu’elle coordonne. Cela résulte d’une intention claire au montage d’utiliser les plans dans lesquels Virginie est physiquement isolée. Ce jour-là, l’équipe se rappelle en effet avoir ressenti un net décalage entre elle et ses collègues masculins, en plus de l’accès difficile pour la filmer sur ses lieux de travail.

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La réalisatrice s’est servie de sa complicité de longue date avec Virginie pour filmer la relation que cette dernière entretient avec sa fille, plus intéressante à traiter selon elle. Sa propre relation avec Virginie, elle l’a en revanche exploitée en menant avec elle un entretien filmé entre deux entraînements, dont un extrait figure vers la fin du documentaire. Un excellent moyen de restituer les propos de la cascadeuse expérimentée sans la piéger dans un discours qui ne serait pas le sien. Un (en)jeu d’équilibriste pour la documentariste diplômée en sociologie, déjà bien informée et outillée face au monde de la cascade et son fonctionnement. 

Le Regard Libre: Comment s’est déroulé le tournage avec Estelle Piget au CUC, le centre de formation à la cascade physique basé au Nord de la France?

Elena Avdija: C’était très facile, car l’école veut de la visibilité. Il y avait toujours des équipes de France 2, M6… Ils sont super à la mode. Quand on revenait trois mois plus tard et qu’on n’avait toujours rien à montrer, ils ne comprenaient pas tout de suite que c’était un projet au long cours. D’ailleurs, dans sa communication, l’école met en avant des femmes badass dans leurs vidéos, ce qui invisibilise complètement le fait que cela se passe autrement dans l’industrie. 

Des archives vidéos en plein écran nous plongent dans plusieurs extraits de films sur lesquels ont travaillé les protagonistes. Cela reste abordable, financièrement? 

Les droits d’auteur ont coûté une blinde: 50’000 francs. On savait que les archives allaient coûter cher, cela faisait partie du budget. Mais cela en vaut la peine! Les archives par exemple de Virginie permettent de mettre en perspective l’expérience des jeunes cascadeuses, notamment Estelle, qui est un petit peu dans le déni. Cela nous a permis de créer notre propos sans le dire explicitement. 

Est-ce que vous aviez à l’esprit des documentaires plus connus sur le milieu de la cascade, notamment américains?

Oh oui. J’ai paniqué quand j’ai vu qu’il y avait ce film qui sortait, Stuntwomen : The Untold Hollywood Story (2020). J’ai pleuré. Cela faisait tellement longtemps que je bossais là-dessus. J’ai mis du temps à le visionner, c’était le déni. Quand on s’est rendu aux États-Unis pour filmer Petra Sprecher, il fallait vraiment que je le voie, parce que le lendemain on rencontrait des personnes qui étaient potentiellement dans Stuntwomen (2020)… Finalement, je l’ai regardé. Ce n’est pas le même délire du tout. Michelle Rodriguez [actrice connue pour la série Fast and Furious] figure dans le documentaire, alors qu’elle n’est pas cascadeuse. Elle est promenée en voiture par Debbie Evans justement, la spécialiste de cascades mécaniques [en voiture, à moto] que mon équipe a rencontrée en suivant Petra. Niveau films, il y a aussi Double Dare (2004) que j’ai beaucoup aimé. Tous deux sont très hollywoodiens : supercut, plein de suspense… Les américains peuvent aussi être trash en documentaire. Cela ne traite pas du tout de ce dont nous voulions parler avec Cascadeuses.

Pourquoi avoir choisi Marzella pour la reprise de You Don’t Own Me?

Je voulais travailler avec un duo féminin de la région, ce qui a déjà pas mal trié. J’ai aussi écouté des groupes locaux. La productrice du film, Agnieszka Ramu (Bande à part Films) m’a parlé de Marzia et Ella. En réalité, j’ai eu un coup de cœur pour leur musique, j’aimais bien le côté folk. La musique de fin, You Don’t Own Me, je l’écoute depuis longtemps. Pour moi, on est plus que les rôles qu’on nous donne à jouer. À la fois Petra, Estelle et Virginie. J’avais envie que le duo Marzella reprenne ce morceau de façon plus vénère. Leur reprise me donne envie de tout péter! J’ai des frissons à chaque fois. J’ai une playlist contenant plein d’autres chansons folk rock que j’ai partagées aux Marzel’ pour qu’elles s’en inspirent, de Nancy Sinatra à Elynn the Green. On montait le film avec Myriam et elles composaient la bande-son en même temps. Elles étaient très réactives. En fin de compte, la BO est un peu plus rock que folk.

A lire aussi | Marzella, un duo qui s’envole vers un bel avenir

Un premier long-métrage très réussi qui suscitera chez certains davantage d’intérêt pour les films d’action ou les questions de genre. Une manière peut-être de regarder différemment les œuvres, en se rappelant que derrière chaque «grande» actrice on cache une cascadeuse.

Avant-première au Cinéma Rex à Fribourg, en présence d’Elena Avdija et Myriam Rachmuth, en discussion avec Vanessa Cojocaru (Tea Room).

Ecrire à l’auteure: indra.crittin@leregardlibre.com

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Illustration: © Bande à part Films

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