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«A la recherche de Karl Kleber», un faux polar régional3 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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C’est l’histoire de la disparition d’un professeur d’université suisse, sur laquelle enquête vingt ans plus tard un ancien collègue. Ou peut-être n’est-ce pas là vraiment le sujet. Avec A la recherche de Karl Kleber, publié en mai chez Favre, Daniel Sangsue signe en effet à plus d’un titre un «méta-roman». Ce faux polar régional, genre dont l’auteur se moque, peut se comprendre aussi comme une parodie de Joël Dicker et, surtout, comme un éloge de la littérature, à l’occasion duquel l’université américanisée en prend pour son grade. Critique.

En juillet 1997, Karl Kleber, professeur de littérature, disparaît de la circulation entre son domicile et l’université. Une évaporation dont personne ne semble avoir percé le secret. Il y a donc là matière à enquêter. C’est ce dans quoi se lance, bien des années plus tard, un ancien collègue du professeur disparu. Le personnage-narrateur lui-même. Un professeur arrivé à la retraite et qui n’est pas sans critiques à l’égard du monde académique, qu’il parvenait à peine à supporter durant ses dernières années d’enseignement. Ne voyez pas de correspondance entre Daniel Sangsue et ce professeur émérite qui ne jure que par Stendhal; ce serait là, évidemment, tout confondre…

N’empêche, ce n’est pas comme si l’auteur souhaitait se cacher derrière un personnage. C’est la première fois que Daniel Sangsue sort un roman sous son vrai nom; les quatre précédents étaient signés «Ernest Mignatte», une sorte de double – encore un – fantasque et fantomatique. D’ailleurs, puisqu’il est question de fantômes, principal objet d’étude de Sangsue ces vingt dernières années, il y avait déjà des critiques ouvertes de l’université dans son Journal d’un amateur de fantômes, publié en 2018 parallèlement à l’essai plus scientifique Vampires, fantômes et apparitions.

Or, pourquoi mélanger tout cela dans un roman, par ailleurs très agréable à suivre déjà rien que dans ce qu’il a de plus stendhalien, à savoir son intrigue, qui évolue de Morat à Paris, en passant par Bâle, Thoune et l’Aveyron? D’abord, un écrivain fait ce qu’il veut; l’espace de liberté qu’offre l’art se justifie à lui seul. Mais l’affaire est plus profonde: s’il y a bien une disparition que ne pourrait pas accepter Daniel Sangsue, c’est celle de la littérature. Les livres, on le sait bien, c’est ce qui reste, contrairement aux paroles, et c’est ce qui permet de perpétuer la mémoire d’un homme comme Karl Kleber. Voilà le vrai propos.

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Logique, donc, que l’abandon de l’humanisme à l’université et la facilité d’un Joël Dicker soient de la partie. Par petites touches, du reste, et tout en finesse. Les clins d’œil à Joël Dicker, se manifestant notamment par la reprise de certains de ses dialogues sirupeux au possible, c’est aussi une manière de mettre en valeur la pratique de la parodie. Un genre auquel Daniel Sangsue a consacré deux essais qui ont fait date. Une démarche littéraire, et c’est son grand mérite, qui permet de ramener au premier plan de la littérature ce qu’elle est fondamentalement: un plaisir, pour l’auteur comme pour les lecteurs. Quelle que soit la clef du mystère.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Image: Daniel Sangsue, à Neuchâtel © Indra Crittin pour Le Regard Libre

Daniel Sangsue
A la recherche de Karl Kleber 
Editions Favre
2020
168 pages

 

 

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