Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier
C’est un film qui ne ressemble à aucun autre. Réalisé par la Suissesse Bettina Oberli, Le Vent Tourne est un long-métrage exigeant bien que léger. Il relate l’histoire d’un couple de paysans alternatifs dans les Franches-Montagnes. Pauline et son conjoint élèvent leurs bêtes dans une démarche respectueuse de la nature et imperméable aux règles d’hygiène imposées par l’industrie animale. Leur quotidien, dur mais tranquille, va être bouleversé par l’arrivée de Samuel, un beau latin venu installer un éolienne. Derrière ce triangle amoureux, la thématique des idéologies, traitée de façon originale.
Des personnages féminins intéressants
Ce film, c’est cette femme, incarnée par l’intrigante Mélanie Thierry. « Le film est parti du personnage de Pauline, qui s’est installée dans un quotidien et un jour commence à douter de sa vie », raconte la réalisatrice à l’issue de la projection à laquelle nous avons assisté. L’autre actrice importante ? L’éolienne, selon Bettina Oberli. Entretenant un lien fort avec le titre Le Vent Tourne, cette construction faiseuse d’énergie endosse notamment le rôle symbolique du changement drastique de vie par lequel Pauline va être tentée. Le sujet est fort, il est grave, il est électrisant.
Une troisième actrice mérite également d’être mentionnée : Anastasia Shevtsova, qui incarne une jeune fille malade venu se ressourcer dans l’air frais de ce coin de Jura. Son talent est incontestable. La réalisatrice du film, ainsi que la productrice suisse Pauline Gygax – à qui l’on doit aussi Ma vie de Courgette – ont vu la jeune danseuse russe dans le film Polina. Ce fut un coup de cœur. « Nous l’avons voulue dans notre film ». Le choix de Mélanie Thierry, lui, s’est imposé par son charme si particulier et naturel.
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Des longueurs
Avec une telle distribution, Le Vent Tourne aurait pu aboutir à une œuvre importante. Le défi aura été à moitié réussi. Il y a certes une ambiance propre à ce film, comme une forme de « rêverie » cinématographique, entre les flâneries littéraires d’un Rousseau et les Nocturnes mélancoliques d’un Chopin. Mais voilà, piège classique du film d’auteur, on s’ennuie vite. Est-ce la faute d’un critique trop « grand public » ? Peut-être, au fond. Or il est justement à regretter qu’une partie importante des spectateurs n’y trouvent pas leur compte.
Soyons plus précis : le film manque de rythme, il s’appuie sur une intrigue trop maigre et des lacunes qui se prennent pour des ellipses. En un mot, les belles images présentées à l’écran manquent de corps. Les « trous » sont compensés par une musique hasardeuse, qui atteint véritablement l’acmé du mauvais goût au moment où des synthétiseurs venus de je ne sais quelles années quatre-vingt viennent appuyer le panorama du Creux-du-Van. A la campagne, le temps passe long ; devant l’écran, également. Le vent tourne, oui, et la tête aussi.
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Crédit photo : © Filmcoopi Zürich AG