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«Pupille»: l’adoption ou la promesse de l’aube3 minutes de lecture

par Thierry Fivaz
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Les mercredis du cinéma – Thierry Fivaz

Une jeune femme (Leïla Muse) se présente seule à l’accueil d’un hôpital d’une ville française. Elle est enceinte. De combien de semaines exactement? Elle l’ignore. Elle n’a pas voulu de suivi de grossesse. Ce qu’elle sait en revanche, c’est que son accouchement est imminent et que l’enfant qu’elle est sur le point de mettre au monde, elle n’en veut pas. Cet enfant, elle lui donne un nom: Théo. En l’état, le nourrisson ne peut être adopté. Durant deux mois, sa génitrice peut en effet revenir sur sa décision. Il faut donc lui trouver une famille provisoire avant que le Service d’adoption puisse lui trouver, enfin, de vrais parents.

Avec Pupille, Jeanne Herry (Elle l’adore) nous montre avec réalisme, délicatesse et sensibilité comment les différents services de l’Etat (le Service d’adoption, le Service de l’aide sociale à l’enfance, etc.) se coordonnent pour soutenir les orphelins dont il devient responsable. Des enfants au début de vie difficile, mouvementé, mais qui, eux aussi, ont droit au bonheur.

S’il s’agit bel et bien d’une fiction et non d’un documentaire, la jeune réalisatrice accomplit la triple prouesse de faire un film à la fois documenté et émouvant tout en ne versant jamais dans le pathos ou la caricature. Un film intelligent et délicat dont le sujet, celui des enfants nés sous x à qui l’on doit trouver des parents, demeure pourtant étranger à la vie intime de la réalisatrice. Celle-ci est mère de deux enfants «biologiques» et n’a pas connu directement l’expérience qu’est l’adoption. Une réalité souvent méconnue qu’Herry dévoile et décortique à travers le prisme de la fiction, une fiction qu’elle ancre dans le réel (ndlr: l’histoire a pour décors la Bretagne et la ville de Brest).

Si l’esprit de Pupille se fait plutôt optimiste, la réalisatrice n’hésite pas à montrer la réalité des procédures d’adoption: l’attente (insoutenable) des couples qui désirent avoir un enfant, les exigences que ceux-ci doivent remplir, les refus qu’ils peuvent connaître lorsque le Service d’adoption ne les estiment «pas encore prêts». Rend compte de cette dure réalité une scène dans laquelle Lydie (Olivia Côte), une travailleuse sociale, doit annoncer à un couple qui attend depuis des années que l’agrément d’adoption leur est refusé. Un coup rude pour ce couple qui rêve d’avoir un enfant. Cependant, comme la travailleuse sociale l’explique, ce non-agrément ne signifie pas qu’on les considère comme étant inaptes à être parents, mais qu’on les estime inaptes à être parents d’un enfant qui, toute sa vie, portera avec lui une histoire singulière. Il ne s’agit pas, en somme, de trouver un enfant pour des parents en manque, mais de trouver des parents pour un enfant aux besoins particuliers.

En plus d’aborder un sujet peu traité au cinéma, Pupille surprend également par son casting. Dans le rôle de Jean, l’assistant familial à qui Théo est confié durant les deux premiers mois de sa vie, Gilles Lellouche, surprend. Celui qui jouait les tombeurs avec Dujardin dans les Infidèles se voit à présent jouer les nounous pour un nourrisson. Un rôle qui lui va comme un gant. Lellouche fait de Jean un personnage pudique, sensible, attentif, un homme moderne (Jean est père au foyer), en proie aux doutes et qui souhaite juste «bien faire». Une présence masculine qui détonne dans ce monde peuplé plutôt par les femmes et qui, à l’encontre des clichés, montre qu’un homme peut, lui aussi, assurer des tâches que le monde d’hier réservait aux femmes.

Une modernité du récit incarnée également par Alice (une merveilleuse et touchante Elodie Bouchez), qui devient la mère du petit Théo alors qu’elle n’est pas mariée. L’ouverture de l’adoption aux personnes seules constitue en effet et encore aujourd’hui une difficulté pour les personnes souhaitant adopter. Beaucoup de pays refusent encore de confier leurs pupilles à des personnes qui ne seraient pas mariées.

Enfin, comment ne pas citer l’importance du regard (la seconde pupille) et de la parole dans ce film? Un long-métrage que je vous conseille justement d’aller regarder.

Ecrire à l’auteur: thierry.fivaz@leregardlibre.com

Crédit photo: © Frenetic Films

Pupille
France, 2018
Réalisation: Jeanne Herry
Scénario: Jeanne Herry
Interprétation: Sandrine Kiberlain, Gilles Lellouche, Elodie Bouchez, Olivia Côte, Clotilde Mollet, Miou-Miou, Leïla Muse, Stefi Celma, Youssef Hadji
Production: Trésor Films, Chi-Fou-Mi Productions
Distribution: Frenetic Films AG
Durée: 1h55
Sortie: 5 décembre 2018

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