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«500 jours ensemble»: rétrospective d’une romance inentamée6 minutes de lecture

par Le Regard Libre
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Les mercredis du cinéma – Edition spéciale: L’amour au cinéma – Lauriane Pipoz

En 2009 sort un film d’amour qui compte parmi les plus brillants. Sauf qu’il ne parle pas d’une histoire d’amour. Pendant 95 minutes, 500 jours ensemble joue avec les codes du film romantique pour nous présenter une histoire unique. Unique, vraiment? Non, Marc Webb nous raconte une relation dont nous avons maintes fois entendu parler. C’est l’histoire d’un homme qui rencontre une femme. Et cette femme se comporte comme un homme. Analyse d’un conte progressiste que j’aurai bientôt regardé cinq cents fois.

Adieu, Bridget Jones! La recette du succès mondial romantique du début des années 2000 a été épicée durant les années qui l’ont suivie. Désormais, on échange les rôles. La blonde naïve massacrée par des hommes manipulateurs a ainsi laissé sa place à l’homme fleur bleue. Pour preuve de ce que j’avance, pensez à l’excellente série How I Met Your Mother (2005). Mêmes ingrédients, même réussite: un homme qui croit à l’amour se trouve face à une femme qui s’y refuse. Un New-yorkais architecte qui parvient à dessiner des skylines magnifiques, mais qui est incapable de construire les contours de l’histoire dont il rêve.

Enthousiasme incompréhensible de la part du public? Faux. Les réalisateurs de ces deux chefs-d’œuvre acclamés également par la critique ont simplement su prendre la température de leur environnement. Un monde dans lequel des femmes assoiffées d’indépendance cherchent à se faire leur place dans un milieu professionnel impitoyable. Etait-il logique de continuer à montrer des films sur une ligne Disney où une princesse immobile attend patiemment qu’un prince fort vienne la secourir, alors que, dans la pratique, immobilité est maintenant synonyme de se faire piquer sa place pendant son congé maternité?

Jackpot

Cette idée est brillante: les femmes et les hommes se reconnaissent dans ces nouveaux contes de fées. Tom, notre anti-héros, est un doux rêveur. Pris dans ses pensées, il a de la peine à se secouer pour passer à la pratique. A l’inverse, Summer est pragmatique. Déterminée. C’est elle qui va prendre les rênes de cette rencontre. Mais entre ces deux-là, ça pouvait difficilement bien se passer.

«– Il faut qu’on arrête de se voir comme ça. Ça devrait pas tellement te surprendre, on s’entend comme Sid et Nancy depuis des mois.
– Summer, Sid a poignardé Nancy sept fois avec un couteau de cuisine. On n’est pas toujours d’accord sur tout, mais de là à me comparer à Sid franchement…
– Non, c’est moi Sid!
– Oh. Donc moi je suis Nancy.
– Tom, pars pas, t’es toujours mon meilleur ami!»

C’est donc cet échec amoureux qui nous est conté dans 500 jours. On découvre les remous de cette non-histoire sous la forme d’une rétrospective présentée dans le désordre. A la façon d’un documentaire, on nous présente Summer, fraîchement arrivée dans la boîte de Tom. Je ne sais pas vous, mais je suis sacrément sensible à «l’effet Summer»: Zooey Deschanel et ses grands yeux bleus sont hypnotiques dans le rôle de la fille d’à côté délicieusement bizarre. Elle se fiche éperdument d’être au centre des attentions masculines. L’enseignement est clair: pas besoin du regard des hommes pour se construire.

Renversement carnavalesque

Tout cela contraste bien sûr avec Tom. Le personnage principal est défini par sa volonté de rencontrer «l’élue». Caractéristique expliquée par son exposition précoce à la pop-culture et qui est, bien sûr, normalement attribuée à la gente féminine. Cette inversion est donc assumée dans ce film indépendant: des dates, des genres, mais aussi des âges. La petite sœur de Tom (Chloë Grace Moretz, qu’on retrouvera notamment dans Greta), douze ans, est ainsi appelée à la rescousse pour résoudre les problèmes de son frère. Ce qui a pour unique signification que le bon sens n’a pas d’âge, et qui amène une petite dose d’absurde très revigorante en forçant le trait. En passant par une petite mention avant-gardiste de mansplaining (le fait pour un mec d’expliquer à une femme ce qu’elle sait déjà):

«– Qu’est-ce que t’en sais des règles, toi, d’abord?
– Plus que toi, Tom.»

A lire aussi: «Greta»: une horreur, mais pas dans le bon sens du terme

Ces renversements sont au cœur de 500 jours ensemble parce qu’ils sont présents partout dans le film. Mais aussi parce qu’ils sont vecteurs de l’esprit de ce long-métrage: il s’agit d’une comédie. Et qu’est-ce qu’elle est réussie! C’est même la principale réussite du film: il porte un message, mais le spectateur ne le sent à aucun moment. Ce qui le rend d’autant plus fort. On nous explique que les hommes croient autant à l’amour que les femmes. Et finalement, qu’il ne sert à rien d’essayer de construire une histoire avec quelqu’un qui ne le souhaite pas.

«Colore ma vie du chaos des ennuis»

La pensée conservatrice dit que ce sont les femmes qui veulent absolument «passer la corde au cou» de ces messieurs. C’est donc par cette inversion des attentes traditionnellement attribuées aux hommes ou aux femmes – les premiers cherchant la liberté, alors que les secondes rêvent d’engagement – qu’on nous souffle que, finalement, les hommes sont confrontés aux mêmes difficultés: peu importe notre sexe, le problème est le même. 500 jours ensemble n’est pas le seul film à s’être penché sur cette question très contemporaine. Je pense, par exemple, au grand succès populaire Sex friends (2011), avec Nathalie Portman et Ashton Kutcher, qui présente la même trame relevée d’une dose d’humour très rafraîchissante. Sans pour autant renvoyer le même éclat.

«Sex Friends» (2011) © Paramount Pictures

Alors, qu’est-ce qui fait la plus-value de notre œuvre? Indubitablement son choix de mise en scène sous forme de rétrospective désordonnée. Elle lui confère un rythme rapide qui maintient le spectateur en haleine. Complétée par une photographie rétro, agrémentée de nombreux zooms et passages en noir et blanc, qui se veut être également un hommage des années soixante à quatre-vingt. Du style vestimentaire des protagonistes à leur amour pour les vieux films, en passant surtout par leur passion commune de la musique: la présence en arrière-plan de Nancy Sinatra, Bruce Springsteen, The Smiths et Hall & Oates me fait dire que les choix musicaux de ce long-métrage sont du meilleur goût. Cette musique est d’ailleurs fréquemment ramenée au premier plan, puisque les personnages sont notamment définis par leurs goûts musicaux et doivent leur premier contact aux Smiths.

Les goûts de Summer et Tom appartiennent donc à un siècle révolu. Mais leurs attitudes vis-à-vis de l’amour et leurs caractères, combattif ou rêveur, ne sont pas ceux qui étaient traditionnellement attribués à leur genre selon les clichés Disney du XXe siècle. Doit-on comprendre que l’attitude amoureuse de Summer qui peut paraître très masculine — «Ta meuf, mais c’est un mec!», lance avec stupéfaction un ami de Tom — n’est pas due à une modification des mœurs du XXIe siècle, mais était déjà présente au siècle passé? Peut-être bien que ces clichés n’ont rien à voir avec la modernité, mais ont toujours été des préjugés véhiculés par Disney. Et qu’il faut simplement les oublier. Si nous devions nous concentrer sur un point essentiel, bien souligné dans le film, ce serait celui-ci: tous autant que nous sommes, ne renonçons pas à l’idée de l’amour. Elle a encore de belles années devant elle.

Ecrire à l’auteure: lauriane.pipoz@leregardlibre.com

Crédit photo: © Fox Searchlight Pictures

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