Article inédit – Kelly Lambiel
Après Brol, l’album qui l’a fait connaître du grand public en 2018, Angèle est de retour trois ans et quelques confinements plus tard avec Nonante-cinq. Plus personnel, intimiste même, il s’accompagne d’un documentaire sobrement intitulé ANGELE, paru sur Netflix à peine deux semaines avant la sortie de l’album; l’occasion pour la chanteuse de nous le raconter et de se (la) raconter?
De «fille de» ou «sœur de» pratiquement anonyme à «artiste féminine de l’année», d’égérie Chanel à porte-parole de la cause féministe ou LGBTQIA+, de chanteuse francophone à icône pop ou actrice internationale, de faire-valoir hué à star adulée, de petite fille qui cherche sa place et sa légitimité à jeune femme qui s’impose et s’affirme, on peut se demander qui est Angèle: un pur produit de marketing ou une personnalité authentique? Suite au «brol» (comprenez bordel) provoqué par son succès fulgurant et les nombreux chamboulements l’ayant accompagné, elle avoue s’être elle-même maintes fois posé la question, perdue en chemin. «Ça a été tellement vite et ça a été tellement fort aussi», confie-t-elle dès les premières minutes, conviant ainsi le spectateur à la suivre sur le chemin de l’introspection.
Le poids de la notoriété
Narré par Angèle elle-même car, comme elle le dit si bien, «personne pourra jamais la raconter aussi bien que moi», le documentaire revient sur l’histoire de la jeune femme, de son enfance à la réalisation de son dernier titre Bruxelles je t’aime. Alors confinée, elle profite de la décélération forcée offerte par la pandémie pour créer, mais aussi pour se reconnecter à son être. Entre doutes et certitudes, plaies béantes et cicatrisées, elle tente d’analyser, tout en prenant du recul, ses succès ainsi que les nombreuses difficultés auxquelles la célébrité l’a confrontée.
En revenant sur son passé à travers d’anciens journaux intimes, d’innombrables images d’archive tournées par elle-même, ses parents ou Brice VDH et Sébastien Rensonnet (les réalisateurs du reportage), des mails, des messages vocaux et des témoignages de ses proches, l’artiste se lance dans une sorte d’enquête supposée lui permettre de se retrouver et, dans le même temps, faire connaître au public la véritable Angèle, cachée derrière la marque déposée ANGELE.
Une sincérité qui interroge
Ce faisant, elle évoque une enfance heureuse, mais pas toujours facile, passée dans l’ombre de parents célèbres, ravive le souvenir douloureux de ses premiers pas sur scène, violemment conspuée alors qu’elle assurait la première partie des concerts de Damso. Avec beaucoup d’honnêteté, elle explique aussi avoir longtemps dissimulé son manque de confiance en elle derrière une bonne dose d’autodérision. Elle se rappelle enfin avoir énormément souffert de voir le contrôle sur son image et sa vie privée lui échapper à plusieurs reprises, face à divers scandales ou en raison d’étiquettes et d’intentions qu’on lui a parfois prêtées, dit-elle, malgré elle.
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En dépit d’un contenu auquel on pouvait s’attendre et qui ne nous apprend finalement pas grand-chose tant il est difficile d’échapper au phénomène si on s’intéresse un tant soit peu à l’actualité musicale de ces dernières années, il reste intéressant de pouvoir accéder à une certaine forme d’intimité. Bien qu’ils soient au fond trop peu nombreux, ponctuer le récit et les commentaires d’aujourd’hui de mots venant tout droit du passé et sortant de la plume ou de la bouche de celle qui les vivait alors, amène à un documentaire jugé par certains vide et trop égocentré, un peu de consistance, de sincérité et une forme de véracité bienvenues.
Sans vraiment tenir ses promesses et sans aller jusqu’à une véritable authenticité, ce documentaire constitue malgré tout plus qu’un simple produit promotionnel tout juste destiné à accompagner la sortie de l’album. S’il ne révèle pas réellement qui est Angèle, ce dont on pouvait en réalité se douter, il présente tout de même un intérêt dans le questionnement qu’il génère autour du star-système et permet de comprendre, ce qui au final n’est pas moins intéressant, comment et pourquoi elle est devenue ANGELE.
Ecrire à l’auteur: kelly.lambiel@leregardlibre.com