Festival International de Films de Fribourg – Loris S. Musumeci
Une étudiante coréenne a disparu. La police mène l’enquête. La mère est froide ; elle espère de manière irraisonnable mais légitime retrouver sa fille. Le père, quant à lui, a déjà perdu tout espoir. A l’école, les professeurs menés par le directeur ont peur pour la réputation de l’établissement. Les élèves, elles, vivent le choc en murmurant des petits secrets, cherchant à trouver le bouc-émissaire sur lequel charger l’affaire. La fille finit par être retrouvée, en cadavre. Gonflé par le fleuve dans lequel la suicidaire s’est jetée. L’enquête continue ; les interrogatoires s’amplifient. Un amour lesbien caché est à l’origine du drame.
Un Prix spécial du Jury pour récompenser l’art du thriller
Un Prix spécial du Jury au Festival International de Films de Fribourg pour un jeune réalisateur sud-coréen. Kim Ui-seok en est à son premier long-métrage. Le film a été développé à la Korean Academy of Film Arts. L’école peut d’ailleurs être fière d’avoir formé un cinéaste qui a déjà tout compris aux codes du thriller. Non seulement il les a compris, mais il les dépasse, s’aventurant dans un tunnel d’obscurité sans issue.
Dans un silence cru, plusieurs scènes isolent les personnages. De nuit, une jeune fille sur la route. De jour, la mère dans sa voiture, vomissant son malheur. En plus d’être seuls, les protagonistes sont souvent filmés par l’arrière, à hauteur de la nuque. Leur isolement prend ainsi une allure plus grave. Comme si une fatalité mortelle les guettait, tout dénouement à leur égard semble impossible.
Un jeu et des scènes qui font hérisser les poils
Le jeu des acteurs augmente l’obscurité ambiante d’After My Death. La mère va jusqu’à effrayer par son expression faciale totalement vide. Elle a l’air d’un fantôme, tant et si bien que la mort paraît l’avoir emportée avec sa fille. Du côté des camarades de classe, le regard est davantage vivant. Il vit cependant dans la peur et le soupçon perpétuels. Une certaine malveillance entre les étudiantes se remarque même dans les sourcils froncés et les yeux qui fuient vers le bas. Leurs lèvres se pincent. Le malaise est grand.
Parmi les scènes les plus terribles, outre celles qu’il faut taire par respect de l’excellente construction de l’intrigue, on retrouve celle des obsèques de la victime. Durant bonnement une dizaine de minutes à l’écran, les funérailles font hérisser les poils. Quelle horreur! C’est insupportable ! Selon la tradition, la grand-mère hurle en pleurant. Une actrice engagée pour l’occasion crie ce que dit la défunte depuis l’au-delà: «Pardonnez-moi!» De plus, le son du tambour envahit la salle de la célébration, lui donnant un effet plus funeste.
Un film noir, trop noir
Dans son ensemble, le film est glaçant; si glaçant que même lorsque la mère laisse penser qu’elle se remet de l’événement, elle sombre derechef dans la plus rude des dépressions, obsédée par un suicide qu’elle ne peut admettre. Son deuil est bloqué. Son esprit demeure dans l’illusion malsaine de considérer sa fille encore vivante. Se camouflant de mots doux envers les victimes collatérales du décès comme «j’aurais du réconfort à la voir aller mieux», elle harcèle tout son entourage, imposant maladroitement la mémoire de sa fille.
Contrairement au tunnel emblématique du film, il n’existe pas la plus pâle des lumières dans le film. Celle-ci aurait pu dresser au moins les contours de la noirceur. Mais là, rien. Tout est noir, trop noir. After My Death donne le tournis; il crispe tout le corps. Les ongles s’agrippent au fauteuil de la salle de cinéma. Kim Ui-seok balaie toute possibilité d’espoir. C’est sans doute l’abus d’un thriller trop réussi. En ce sens, l’histoire n’est plus tragique : même une transcendance du destin baisse les bras face à la trame. Drame, rien qu’un drame. Noir profond.
«Nous serons virés si elle ne se réveille pas.»