Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier
Dans cette farce aux allures de sketch de dix minutes qui a mal tourné, Jean Dujardin incarne Jacques, un paumé convaincu par les bienfaits du capitalisme. L’homme n’est rien, il se rêve grand patron. Pire, il sait qu’il va l’être, il est convaincu qu’il doit l’être, qu’il ne peut que l’être. Mais il ne sait rien faire, et surtout pas des travaux manuels. Pourtant, c’est aux portes d’une communauté Emmaüs qu’il va toquer, près de Pau, gérée par sa sœur Monique, interprétée par Yolande Moreau. Il va alors y présenter sa (brillante) idée de se lancer comme indépendant à la tête d’une petite entreprise de chirurgie esthétique low-cost.
La question n’est pas: est-ce une bonne comédie, un film réussi? Car la réponse est simple, le public relativement nombreux de la séance d’aujourd’hui pourra vous le confirmer de manière unanime. C’est un raté de chez raté. La question est plutôt: comment Dujardin, acteur respectable et respecté, a-t-il pu accepter de jouer dans une telle ineptie de film? Là, la réponse est moins évidente. Sans doute y a-t-il vu l’occasion de se replonger dans la chair d’un beauf désabusé, naïf et ridicule comme il avait pu le faire, avec brio, dans les OSS 117. Sauf qu’ici, on ne rit pas. Il a beau s’appeler Dujardin, il s’est planté. Indiscutablement.
Décalé ne veut pas dire drôle
Benoît Delépine et Gustave Kervern doivent faire partie de ces réalisateurs français qui ont cru qu’il suffisait de créer quelque chose de décalé pour que ce soit comique. Il s’agit tout simplement d’un cas particulier de la croyance contemporaine dans ce fait absurde que l’original signerait nécessairement la réussite. Quand arrêtera-t-on de nous faire perdre notre temps avec ces bêtises? Il n’y a pas grand-chose à dire de plus, si ce n’est que le semblant de musique est insupportable, que la photographie, s’il y en a une, s’apparente à un documentaire de piètre qualité et que le film donne une image désastreuse à la fois des adeptes du libéralisme et d’organismes tels qu’Emmaüs.
Si I feel good se veut une satire d’Emmanuel Macron, ou de Donald Trump – auquel le film fait bien évidemment allusion à tout-va, puisque c’est un mauvais film – alors cette satire est non seulement absurde, mais elle laisse tout simplement indifférent. Il est impossible de s’énerver dans son fauteuil, seulement de s’ennuyer. C’est le pire qui puisse arriver à quelqu’un. Alors, de grâce, ne vous infligez pas cette soi-disant comédie et profitez d’aller voir une autre nouveauté des salles obscures, il y en a des belles. Vive le cinéma, que l’on aime d’autant plus quand on sait ce qu’il n’est pas!
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
Crédit photo: © JD Prod – No Money Productions