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La country dans le répertoire de Johnny Hallyday9 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Article inédit – Jonas Follonier

Très peu connue et reconnue dans son œuvre, la country tapisse en toile de fond le répertoire de Johnny Hallyday. Il vaut la peine, pour qui souhaite faire de belles découvertes, de se plonger dans cette facette-là du rockeur. La country, il l’a toujours habitée, et il est bien possible que l’univers artistique de Johnny puisse se comprendre à l’aune de ce genre musical.

«Je suis un chanteur de variété revu et corrigé par le rock’n roll», déclarait, dans une formule bien trouvée, Johnny Hallyday lors d’un entretien télévisé en 1974. Mais Johnny, ce n’était pas que cela. Johnny, c’était une multitude de genres, que l’on peut ranger en deux catégories: les genres musicaux qu’il a adoptés pour le plaisir du public; et ceux qu’il aimait vraiment et qu’il n’a en fait jamais quittés. La country est l’un de ces genres fétiches de Johnny. Il ne faut d’abord pas oublier que la country est, avec le rhythm and blues, l’une des sources du rock’n roll, comme le dit lui-même le rockeur français dans La Terre promise, ce récit où il se livre à Philippe Manœuvre lors de son tour américain de 2014:

«Avant, la country, c’était guitares sèches et pedal steel. Aujourd’hui, ils ont tout électrifié, guitares et violons. La country est la mère du rock’n roll et du blues. Même au début, le rock’n roll était une combinaison de country et de rockabilly.»

Johnny était un grand connaisseur de country. Et surtout, un grand fan des artistes qui ont porté cette musique toute leur carrière. Avec Garth Brooks tout au sommet. «Moi, j’écoute Garth Brooks, mais les Français n’écoutent guère de country», fait observer Johnny Hallyday à son poto Philippe Manœuvre. Cette phrase résume tout: si quand on pense à Johnny, on ne pense pas forcément à la country, c’est parce que ce n’est pas un genre dont les Français sont friands. Johnny ne l’a donc pas mis en lettres lumineuses dans son univers musical. Le rock mêlé à la chanson française, voilà ce qu’il a porté et ce qui l’a finalement porté. Mais gare aux résumés de carrière; Hallyday a saupoudré tout son répertoire de chansons country, quand il n’en faisait pas un album entier!

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Deux albums entiers de country

Johnny a en effet sorti pas moins de deux albums de country. Country-Folk-Rock en 1972 et La Terre promise en 1975. Tout commence avec la rencontre de Michel Mallory, qui devient son parolier attitré pendant une dizaine d’années. Celui-ci, tout autant passionné de country que Johnny Hallyday, lui écrit un album entier de chansons plongeant dans la veine américaine qu’ils aiment tous les deux. Il en résulte une œuvre admirable, brute, cohérente, où l’on peut piocher des pépites telles que Ma main au feu, Hello US USA (bande originale du film J’ai tout donné et composée par le boss lui-même!), Rien n’vaut cett’fille-là ou Joe, la ville et moi. L’ambiance est pile celle que l’on imagine dans ces Etats-Unis qu’a tant phantasmés Johnny. Ceux-là mêmes dans lesquels le chanteur s’est fait son éducation musicale et que, brillant magicien, il crée a son tour. D’ailleurs, il y a vécu vraiment jusqu’au bout, dans ces contrées, dans cette musique country, comme il raconte sur RTL en 2013:

«Quand je conduis ma voiture en écoutant de la country, j’ai vraiment l’impression d’être aux Etats-Unis, on sent bien les grands espaces.»

Trois ans après Country-Folk-Rock, Hallyday et son parolier Mallory récidivent donc avec La Terre promise, un album enregistré lors de leur séjour à Nashville. Un album-cliché délicieux! On y retrouve la choriste Nanette Workman, que Johnny avait repérée chez Joe Cocker – qu’il admire et dont il s’est très certainement inspiré dans son art vocal. Il chipe à Lee Lewis sa chanson Got You On My Mind et adapte deux titres de Kris Kristofferson. Surtout, Johnny accentue dans cet album tous les clichés de la country music et du western – il porte d’ailleurs un chapeau de cow-boy sur la pochette du disque. C’est ainsi que le «je» des chansons préconise de faire «attention aux Indiens», de «[prendre] tes chevaux, ta femme et tes gosses» pour s’aventurer dans la course vers l’ouest et la ruée vers l’or… Anecdote très parlante, relayée par Le Point, Johnny va forcer Nanette Workman ainsi que Michel Mallory à enregistrer chacun leur propre album sur place. Passion passion passion!

«C’est une époque formidable où Johnny ne vivait que pour la musique», se souvient Jean-François Chenut dans le même article du Point. Or, malgré la qualité de cet opus de 1975, le succès, lui, n’est pas vraiment au rendez-vous, même si cela reste tout de même louable pour un pays, la France, qui n’est pas adepte de country. Hallyday, comme il sait bien le faire, enchaînera donc avec une œuvre grand public, comme il le fera de nombreuses années plus tard avec L’Attente en 2012 après le succès mitigé de l’album de rock’n roll et de blues Jamais seul (2011). L’album est à nouveau monumental, mais la country a laissé place à la variété française. Il s’agit de Derrière l’amour (1976), contenant la chanson du même nom, mais aussi les autres titres cultes que sont Joue pas de rock’n roll pour moi, Requiem pour un fou et Gabrielle.

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Si ces chansons-là ont connu un succès immédiat et une postérité bien plus grande que les titres issus de Country-Folk-Rock erreur de passage dans le répertoire de Johnny. Un auditeur attentif peut se rendre compte que, quelle que soit la période, Hallyday a toujours tenu à glisser des ballades country ou des chansons folk-country plus rythmées dans des albums d’une tout autre nature – allant du blues à la pop la plus lisse. On retiendra par exemple la perle J’ai pleuré sur ma guitare dans l’album Je t’aime je t’aime je t’aime (1974) constitué uniquement de ballades, L’Amérique de William, présente sur l’album posthume, ou La ville des âmes en peine dans Destination Vegas (1996), ballade sublime qui figure d’ailleurs dans la compilation remasterisée Johnny History – Country (2012). A bien y réfléchir, c’est justement la variété qui permet d’intégrer une chanson de country dans un album de rock, de blues, de folk ou de pop.

Le clip de «La ville des âmes en peine», tourné en Suisse en 1997

Quand Johnny se lâche

Il y a un intérêt musical dans cette sélection méconnue des quelque mille cinq cents chansons (!) enregistrées par Johnny. Ou plutôt, l’intérêt de la country «made in Hallyday» ne se situe pas tant au niveau de leur musique que de leur musicalité. Nuance de haute importance, la musicalité dépendant en quelque sorte de l’ambiance sonore et artistique dégagée par le chanteur. A l’écoute de chansons inconnues du grand public telles que L’histoire de Bobby Mc Gue ou Joe, la ville et moi, ou de titres plus connus comme Rien n’vaut cett’fille-là, La ruée vers l’or ou La Terre promise, on trouve la même atmosphère. Celle d’un gamin qui donne tout pour vivre son Amérique à lui. Dans ses albums country, Johnny se lâche. Un peu comme il a pu se lâcher, dans un autre registre, avec le blues psychédélique de l’album Rivière… ouvre ton lit, sorti en… 1969.

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Il s’agit en réalité d’un Johnny parmi d’autres. Johnny Hallyday – et ce fut sa force – s’est refait une identité à chaque époque, épousant chaque genre musical, chaque attitude, chaque apparence physiologique. Lui-même le disait. Une constance cependant: son côté délicieusement beauf, se manifestant tantôt par l’Amérique des cow-boys à laquelle il a cru jusqu’à sa mort, tantôt par son amour des choses simples, même au sein du plus grand luxe, tantôt par ses grivoiseries, que l’on retrouve dans les textes de ses albums de country, justement, et encore plus dans ses attitudes d’interprète. Ce n’est pas que Johnny n’aimait pas les femmes. Il les aimait différemment que ses copains. L’amitié étant tout pour lui.

Où veut en venir Johnny avec ce genre de chansons? Il veut créer le spectacle, bien sûr. Etre un passeur d’émotions, également. Mais j’ai une intime conviction: il veut aussi donner un coup de pied dans la fourmilière du bon goût. On l’a dit et redit, même ici: Johnny s’est adapté à chaque époque. Mais il s’est adapté – sans doute inconsciemment – à chaque époque pour pouvoir être toujours en décalage avec elle. Regardez la vague des peace and love: Johnny, cet anti-hippie, s’est toujours moqué de ces énergumènes. Voyez les dernières collaborations avec le très populaire Yodelice: Johnny en a profité pour faire le bon vieux rock’n roll qu’il aime. Jouer avec les codes de la mode pour mieux attirer les gens vers ses premières et fidèles amours: voilà quelle fut la grande force de Mister Johnny.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Johnny Hallyday 
Country-Folk-Rock
Mercury
1972
13 titres

Johnny Hallyday 
La Terre promise
Mercury
1975
13 titres

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