Le Regard Libre N° 46 – Jonas Follonier
Vingt-huit ans n’auront pas suffi au grand mélodiste français pour peaufiner le chef-d’œuvre qu’il promettait à son public. Son précédent album, Kâmâ-Sutrâ (1990), restera sans doute sa dernière grande réussite, comportant notamment la pépite Goodbye Marylou. Peut-être justement la faute a-t-elle été pour lui de trop traîner en studio, les premières idées étant souvent les meilleures. Quoi qu’il en soit, on trouve quand même du bon dans ce nouvel opus, intitulé Enfin!. Nous avons choisi de vous proposer un arrêt sur chacun des onze titres de l’album, ce qui nous permettra peut-être de mieux comprendre ce qui fait à la fois le génie et le ridicule de Michel Polnareff: son éternelle démesure.
C’est la grande déception de l’année, de la décennie, voire du siècle au sein de cette revue, tant j’attendais le nouvel album de Michel Polnareff et j’avais bassiné mes collègues avec sa musique. Certains s’étaient même joints à mon admiration et à mon impatience. Mais il faut se rendre à l’évidence: que l’on écoute ce nouvel opus auquel on ne croyait plus avec les oreilles d’un fin connaisseur ou avec celles d’un jeune profane, Enfin! n’a globalement pas fait honneur à l’attente qu’il y avait à son endroit… ou qu’il n’y avait même plus.
L’épopée d’un album moult fois reporté
C’est que cela faisait un bout de temps qu’on l’attendait, cet album. Imaginez: déjà en 1996, six ans après Kâmâ-Sutrâ, Polnareff dit travailler sur de nouvelles compositions. Or, seul un album live sort cette année-là, excellent par ailleurs, Live at the Roxy. Expérience renouvelée lors de ses deux grands retours sur scène en France en 2007 et 2016. Durant toute cette période, trois titres studio sortent quand même comme singles: Je rêve d’un monde (1999), une sorte de long gospel assez réussi, marquant le passage au deuxième millénaire, et Ophélie flagrant des lits (2005) ainsi que L’Homme en Rouge (2015), sur lesquels nous reviendrons, car ils ont été refondus dans le nouvel album.
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A plusieurs reprises, ce nouveau bébé a été annoncé, soit par son agent, soit par ses maisons de disque, quand ce n’étaient pas les médias, ou Michel Polnareff lui-même. Mais la sortie a été à chaque fois repoussée. Michel avait des tournées à préparer, une autobiographie à écrire, ou encore une vie de père à mener. L’excuse la plus drôle qu’il ait trouvée, et la plus touchante, a bien été celle qu’il a formulée dans l’émission «On n’est pas couché» du 30 avril 2016: «La chanson L’Homme en Rouge m’a moi-même tellement touché que j’ai eu de la peine à en sortir.» Philippe Manœuvre, ancien rédacteur en chef de Rock’n Folk, était allé jusqu’à me dire lors de notre entretien publié en janvier dernier que Polnareff ne s’était pas senti de sortir son disque en plein dans l’atmosphère des attentats du Bataklan.
Quoi qu’il en soit, il y a toujours eu chez Michel Polnareff quelque chose de l’ordre de l’enfermement, et cela semble s’être empiré. Il existe chez lui un empire de l’enfermement. Déjà cloisonné par ses lunettes teintées à montures blanches, reclus durant huit cents jours au palace Royaume Monceau lors de l’écriture de Kâmâ-Sutrâ, l’interprète de Lettre à France s’est enfermé depuis lors dans son personnage public jusqu’à friser l’extrême. Après s’être auto-proclamé «l’Amiral», l’artiste entretient une relation quasi mystique avec ses fans, les «moussaillons», avec lesquels il converse directement sur les réseaux sociaux. A coup de tweets, le Polnareff geek aurait-il tué le beatnick – et le «pique-nique», celui de La Mouche et de L’Amour avec toi – que l’on a tant aimé? Il y a certainement un peu de tout cela, oui. Le personnage Polnareff avant-gardiste s’est modernisé, en ce sens l’artiste s’est peut-être un peu ringardisé.
Un album incohérent et excessif, pour le meilleur et pour le pire
Heureusement, Polnareff n’est pas exactement resté sans rien faire pendant presque trois décennies. La preuve, l’album est sorti et la folie créatrice de ce drôle de bonhomme est toujours présente, peut-être plus que jamais. Les deux bémols, c’est que son inspiration au niveau musical ne se retrouve pas vraiment dans les textes, et que la production très américaine aboutit à une œuvre hyper-baroque, voire boursouflée. Dans Enfin!, on oscille entre le disco et la pop rock, en passant par le funk, le brass band et les ballades. Enfin!, que son créateur aime comparer à son album culte Polnareff’s (1971), considéré par beaucoup comme son chef-d’œuvre, est éclectique à souhait. Notre analyse chanson par chanson:
1. Phantom: L’album s’ouvre sur ce qui s’avère être sans conteste sa plus grande réussite. Un instrumental…
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Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
Crédit photo: © Universal
1 commentaire
Bonjour,
Je découvre votre ” Regard Libre ” grâce à monsieur Gonzague de Waresquiel, le propriétaire de la moto de Michel Polnareff …
J’ai eu le plaisir de côtoyer Michel Polnareff, l’homme et l’artiste pendant deux ans à Bruxelles ! Nos partages et échanges nous ont amenés à vivre de somptueux et exceptionnels instants … Un lien rare et vrai s’est installé et nous avons décidé, parmi d’autres ” folies ” de rechercher sa moto et aussi le porte-voix du concert mythique de Forest National en 1975. Après plus d’un an de rencontres et d’anectodes nous avons retrouvé son Harley et surtout son histoire … Je suis en train de raconter cette belle rencontre en prenant soin de garder ” secret ” le respect de l’intimité mais diffuser la magie du sens et du plaisir de connaître autrement un artiste, un homme fascinant !
Je tiens à vous remercier pour l’article remarquable que vous avez consacré, monsieur Follonier à Michel Polnareff dans votre numéro 46 !
Votre écrit est rare, juste et combien sensible aux talents d’un artiste unique en tout, en mots et en notes ….
Bien à vous,
Baudouin Vendy
Belgique
9 rue de la justice – 7063 Louvignies
0032 478 88 30 08
Je vous invite à consulter sur la toile quelques revue de presse :
” Michel Polnareff et baudouin vendy “