Les lundis de l’actualité – Alexandre Wälti
La coupe du monde de football bat son plein en Russie tandis qu’une polémique enfle autour de la performance de la Nati contre la Serbie. Ou plutôt, elle gonfle autour du signe de l’aigle à deux têtes du drapeau albanais que Xhaka, Shaqiri et Lichtsteiner ont mimé lors des célébrations des deux buts. Le football, finalement, ce n’est pas bien important, n’est-ce pas ?
La FIFA a ainsi ouvert une enquête légitime contre les trois joueurs suisses pour provocation vis-à-vis du public, en s’appuyant sur l’article 54 du règlement disciplinaire de la FIFA. Ils risquent deux matchs de suspension et une amende de CHF 5’000 au minimum.
Pourquoi ? Parce que les relations diplomatiques entre l’Albanie, le Kosovo et la Serbie n’ont jamais été totalement paisibles depuis la guerre de l’ex-Yougoslavie et que le gouvernement serbe n’a jamais reconnu l’Indépendance du Kosovo. C’est pourquoi le geste des trois joueurs a déclenché de nombreuses réactions à la suite de la victoire merveilleuse de notre équipe nationale suisse. Car, oui, nous parlons surtout d’un 1-2, arraché au mental, qui rapproche un peu plus la Nati d’un huitième de finale de coupe du monde.
Des senteurs nauséabondes
Certes, le geste – volontaire ou pas – n’a pas été le plus intelligent de la soirée. Le sport devrait toujours prendre le dessus sur la politique et l’origine familiale. Surtout que le football est ce jeu que le monde entier connaît et qui peut créer un pont entre différentes appartenances et diverses cultures. Il est plus urgent que jamais de le rappeler lorsqu’on lit le tweet de l’UDC zurichoise Natalie Rickli qui a craché la chose suivante : « Je ne peux pas vraiment me réjouir. Les deux goals n’ont pas été marqués pour la Suisse, mais pour le Kosovo. »
Cette remarque mérite aussi condamnation. Tout comme deux réactions parmi les protagonistes serbes. D’une part Mladen Krstajic, sélectionneur de la Serbie, au lendemain du match, qui a fait référence au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en pointant du doigt le penalty non sifflé de l’arbitre de la rencontre Felix Brych. Le Monde a relevé la déclaration suivante : « Je ne [lui] donnerais pas un carton jaune ou rouge, je l’enverrais à la Haye. Là-bas, ils pourront le juger, comme ils l’ont fait avec nous. » D’autre part Aleksandar Mitrovic a aussi eu son mot à dire sur le cas de Shaqiri avant le début de la rencontre. Le même journal a retranscris l’interrogation de l’attaquant serbe : « S’il aime tant le Kosovo, pourquoi n’a-t-il pas voulu jouer pour leur équipe ? »
Ah…quand les relents de rancoeurs politiques ou historiques se mêlent au sport, les odeurs sont alors plus proches des fonds de chaussures de fin de match que du gazon frais au coup d’envoi.
Chronique d’un match important
Et le football dans tout ça ? Et les émotions sportives ? Vendredi soir, c’était merveilleux ! J’ai retrouvé mon enthousiasme d’enfant devant la victoire de la Nati. J’ai évidemment perdu quelques ongles au passage et je me suis vivement énervé contre certains choix de Vladimir Petkovic.
D’ailleurs, à ce sujet, juste comme ça, monsieur le sélectionneur, si je peux me permettre et si vous nous lisez parfois, mettez s’il vous plaît Gavranovic titulaire en pointe à la place de Seferovic, Embolo sur l’aile à la position de Dzemaili et recentrez Shaqiri en numéro 10. Vos supporteurs vous remercieront contre le Costa Rica !
J’étais un vrai gamin au milieu de la foule d’une fan zone portant fièrement mon maillot suisse à côté de la même fierté d’un supporteur serbe, je vous jure ! J’ai vu une belle équipe multiculturelle, à l’image de la Suisse, un mental d’acier qui a battu la forte et solide Serbie dans les dernières minutes du match. Je remercie Akanji pour sa solidité défensive durant toute la rencontre et le héros Sommer. Qu’il ont fait plaisir ! Bon, j’avoue que tout a très mal commencé dès la cinquième minute avec le but rapide de Mitrovic face à la triste passivité d’un Schär absent. La suite ? Une première mi-temps durant laquelle les footballeurs serbes n’ont pas cessé de presser et mettre en difficulté la Suisse. J’ai ensuite désespéré durant 45 minutes devant les médiocres attaques de nos petits suisses. Le coeur pantelant.
Soudain, boum ! Tout le monde s’est embrassé et a crié ! Le ballon est parti. Une frappe pure de Xhaka, enroulée juste ce qu’il faut pour contourner le portier serbe et se loger là où j’aime bien qu’elle se loge : dans les filets. La fan zone a encore tremblé jusqu’à la nonantième minute et l’art du finisseur Shaqiri. Enfin la libération et les klaxons !
C’est surtout ça un match ! Les émotions. Autant primaires qu’elles puissent paraître. Loin des considérations politiques et autres provocations. Le football est peut-être plus important qu’on pourrait le penser. Une capacité de fédérer et de faire plaisir à tant de gens tout en décevant l’autre moitié. C’est là que tout se passe ! Un peu sur le terrain, aussi.
Ecrire à l’auteur : alexandre.waelti@leregardlibre.com
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