Les mercredis du cinéma – Lauriane Pipoz
Gloria Bell, la cinquantaine belle et énergique, est divorcée. Elle aime sa famille, son travail, la musique et sortir danser le soir. C’est dans ces clubs qu’elle fait des rencontres éphémères. Jusqu’à ce que son regard attire celui d’Arnold, homme touchant et fraîchement divorcé «de son ex-femme, mais pas de ses enfants». Gloria décide de tenter l’aventure.
Dans ce remake américain de son propre film (Gloria, 2013, qui a offert à son actrice principale Paulina García un Ours d’argent au Festival international du film de Berlin), Sebastián Lelio nous montre une cinquantenaire éprise de liberté et d’émotions fortes. Ces émotions, Gloria les trouve dans les discothèques, à travers la musique de sa jeunesse: celle des années 80, brillante, dansante, éblouissante – la musique que l’on appelle «disco», à juste titre.
Des acteurs brillants
La musique joue un rôle capital dans le film. Les dialogues sont rares, et c’est là l’occasion de remarquer que la distribution et le réalisateur maîtrisent parfaitement l’art de la suggestion. Gloria, au cœur de ces séquences silencieuses, n’a besoin d’aucune parole pour transmettre au spectateur les émotions qu’elle ressent – et Julianne Moore, placée au premier plan, crève l’écran, c’est certain.
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Mais les interprètes de personnages secondaires ne sont pas en reste: le film est lent et ils sont capables de se hisser à la hauteur de Moore pendant des séquences parfois très longues. Le spectateur est totalement intégré dans leur décor dans ces moments-là: la caméra est judicieusement placée autour d’une table au même titre que les convives, ou sur le siège passager. On peut même parfois sentir le regard des personnages sur nous. Saisissant.
Pour aider ses magnifiques acteurs à nous souffler l’état émotionnel de leurs personnages, Lelio semble utiliser la musique en lieu et place de paroles superflues. Les morceaux que la cinquantenaire écoute dans sa voiture et sur lesquels elle chante à tue-tête se font ainsi l’écho de sa propre histoire. De même, une mélodie revient à chaque fois qu’elle touche le bonheur du bout des doigts.
Laissez-moi danser
Ces moments de bonheur ne durent malheureusement pas. Gloria, qui paraît libre, ne l’est pourtant pas tant que ça. Excellente en tout – bonne mère, ex-femme sans rancune, conseillère dévouée –, elle s’efface pour essayer de faire le bien autour d’elle. Elle semble prisonnière d’un schéma où elle prend sans cesse soin des autres, mais personne ne prend garde à elle.
«Maman, tu me dis ça tous les dix ans»
C’est là probablement la principale évolution qui s’opère dans le film. Gloria connaît toujours des hauts et des bas, pleure beaucoup, mais les gère différemment. Elle décide enfin de demander de l’aide quand elle n’en peut plus, accueille l’affection quand elle se présente – sous la forme d’un chat, par exemple –et décide de danser seule.
Si certains éléments du film nous suggèrent que cette volonté de prendre soin d’elle et ce sentiment de liberté ne dureront pas, on remarque avec plaisir qu’au bout de l’histoire, elle décide de tournoyer sur la musique, seule, pour elle – contrairement au début du film, où elle dit à Arnold qu’elle danse seule, mais sans réaliser qu’elle ne le fait jamais longtemps. Alors plus que le corps d’Arnold, Gloria Bell aime la musique. Et en lui offrant une liberté éphémère, la musique le lui rend bien.
Crédits photo: © Ascot Elite Entertainment
Ecrire à l’auteur: lauriane.pipoz@leregardlibre.com
Gloria bell |
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USA, 2019 |
Réalisation: Sebastiàn Lelio |
Scénario: Sebastiàn Lelio |
Interprétation: Julianne Moore, John Turturro, Carmen Pistorius |
Production: Sebastiàn Lelio, Julianne Moore |
Distribution: Mars Films |
Durée: 1h41 |
Sortie: 1er mai 2019 |
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