Les vendredis de la microbrasserie – Arthur Schneiter
Derrière les cuves et la créativité foisonnante des prolifiques brasseurs de Renens se cache une galaxie communautaire, propulsée par une envie sincère de partage et d’entraide et la volonté de démocratiser la craft en Romandie, sur tous les plans. Comment se matérialise-t-elle et quels en sont les principaux axes? J’ai rencontré Kouros et Camille dans leur sympathique taproom du Closel pour en discuter autour d’une mousse.
La Nébuleuse, nous vous en parlions déjà il y a un an, est née en 2013, et le Zeppelin a depuis pris de la hauteur pour rejoindre le club très fermé des microbrasseries qui ont réussi, celles que l’on cite en exemple et dont on ramène un exemplaire à ses copains vivant à l’étranger pour leur faire goûter à la saveur de sa région.
Une communauté derrière la brasserie
Mais la brasserie ne s’arrête pas là. Elle veut propager la bonne parole, et informer, éduquer, sensibiliser, mettre à disposition des connaissances brassicoles pour que tout un chacun, du home brewer au brasseur chevronné, de l’amateur au passionné, puissent évoluer, se réunir, échanger, se soutenir mutuellement, et apprendre ensemble. Le mouvement craft est un mouvement encore jeune en Suisse, il faut le démocratiser, le faire mûrir et lui donner des ailes. C’est précisément l’objectif communautaire que veut se donner la Nébuleuse, au-delà de toute logique commerciale. Parce que derrière l’entreprise se cachent des passionnés, qui veulent le rester et continuer à en convertir de plus en plus à leur noble cause.
A cet effet, elle a lancé il y a quelques années le désormais feu BrewHub, une plateforme de coworking pour petits brasseurs qui veulent se lancer dans une plus grosse production et se frotter aux réalités du brassage professionnel, avec à leur disposition du matériel, de la place, une formation et un lieu d’échange. L’expérience, si elle s’est malheureusement arrêtée par manque de temps et de moyens, a créé une jolie effervescence au sein de la brasserie, avec 1000 hectolitres brassés, et débouché sur un BrewHub pack. Ce dernier a permis une visibilité et un rayonnement sans précédents pour les microbrasseurs impliqués dans le projet, mais aussi et surtout la création d’un vrai réseau à taille humaine entre brasseurs.
L’équipage du Zeppelin a plus d’un tour dans son sac, et plusieurs projets vont se mettre en place au cours de l’année à venir. Premièrement, une collaboration de leur Professeur Tournesol attitré, Phil, avec l’EPFL. Ce projet à vocation purement scientifique vise à étudier les souches de levures indigènes dans le bassin de l’Arboretum d’Aubonne, afin de trouver les levures les plus intéressantes – en termes qualitatifs – pour le brassage, et améliorer l’état de la connaissance sur leur génome. Phil est docteur en biologie moléculaire et a contribué à maintes reprises au sein de la brasserie, notamment sur l’amélioration des profils minéralogiques de l’eau utilisée pour le brassage, mais aussi au travers de la sensibilisation du grand public. En effet, ce projet ambitieux devrait aboutir à une publication scientifique et une série de workshops et animations in situ, à l’Arboretum, autour du thème des levures.
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C’est également dans cet état d’esprit qu’une série de capsules audio devrait prochainement voir le jour sur le site web de la brasserie. La volonté derrière ces podcasts est de partager expériences et opinions sur la craft en Suisse, et de manière plus générale de vulgariser le discours, synthétiser la connaissance pour toucher tout le monde, révéler au plus grand nombre ce qui se cache derrière la création de bière, sans se placer en experts. Mais ils s’adressent également aux brasseurs amateurs, en leur donnant des conseils pour lancer leur business, avec tout ce que cela implique comme obstacles et difficultés.
Le mouvement craft
Eux-mêmes ont eu la chance d’être entourés d’autres passionnés et d’être aidés, ils veulent aujourd’hui transmettre ce savoir-faire et ce qu’ils ont appris de leur expérience. D’une part, parce que c’est stimulant et que cela leur permet de garder un pied dans la réalité du microbrewing. D’autre part, parce que l’échange et le partage vont dans les deux sens, et que chacun en sort grandi. La même démarche collaborative et pédagogique est déjà en place via le blog, pour mieux comprendre ce qui se trame en coulisses, ce depuis un certain nombre d’années.
La collaboration est dans l’ADN du mouvement craft, et à l’échelle locale, des structures d’échange entre passionnés ont vu le jour ces dernières années. Partie du groupe Swiss Homebrewers sur Facebook, un espace d’échange d’informations, d’expériences et de matériel, véritable réseau d’entraide entre brasseurs amateurs suisses, l’idée d’une association a germé, et porté ses fruits il y a un an et demi. L’ALBA, association lausannoise de brassage amateur, organise des brassins publics, des séminaires et conférences, et même des cours sur les différents ingrédients de la bière.
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Ces formats éducatifs et ces plateformes amateurs viennent combler un manque dans notre pays, où il n’existe toujours pas de formation officielle en brasserie à proprement parler, et où la bière artisanale ne représente toujours que 3% du marché, alors même que la Suisse est première mondiale en termes de densité de microbrasseries par habitant (ces chiffres sont toutefois à mettre en perspective avec le volume de production). Malgré cette énergie débordante et un milieu artisanal hyperactif dans nos régions, tout reste à faire. Vous-mêmes qui nous lisez, vous êtes les bienvenus dans ce mouvement. En tant que simple amateur, brasseur dans votre garage ou juste curieux de tout ce petit monde, sentez-vous libres de venir vous installer à la même table que ceux qui font vivre la craft en Suisse.
Crédits image: La Nébuleuse (via Google Maps)
Ecrire à l’auteur: arthur.schneiter@leregardlibre.com