Les mercredis du cinéma – Jonas Follonier
Joseph Blocker, capitaine de cavalerie, reçoit la mission d’escorter un chef de guerre Cheyenne, un assassin ayant toutefois purgé sa peine, dans son Montana natal, quelque part dans la Vallée des Ours. Difficile pour ces antiques ennemis de faire route commune et d’affronter les obstacles qui vont s’imposer à eux. Western classique de part en part et cependant chargé d’une forte identité singulière, Hostiles est un véritable événement du septième art.
Un bon ancrage dans la tradition du western
Le début du film témoigne de la tradition dans laquelle va s’inscrire Hostiles jusqu’à son terme. Un foyer familial est attaqué par des Comanches. La maison brûle. Seule rescapée du massacre, la mère, interprétée par Rosamund Pike. La scène rappelle aussitôt Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l’Ouest, qui lui-même rappelait déjà tous les westerns classiques de l’âge d’or hollywoodien.
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Fait exceptionnel dans le cinéma actuel, la lenteur de la caméra, celle des dialogues, celle encore de l’action, ancrant cette pépite cinématographique dans l’héritage des années cinquante et soixante, sainte époque où une expression, une réplique ou un coup de théâtre avaient encore un sens. Pour satisfaire à cet art de mystifier une histoire, le film est porté par des acteurs de haut niveau. Tout amateur de cinéma abouti se retrouvera en bonne compagnie en allant voir Hostiles.
Christian Bale, qui excelle dans le rôle principal, livre à lui seul une autre caractéristique essentielle du western: son visage présente les traits racés du cow-boy et le regard fait pour le cinéma. Ses propos, dans la première partie du long-métrage, placent fièrement le drame dans l’opposition classique entre armée américaine et Amérindiens. «Je les hais et la guerre m’a donné des tonnes de raisons de les haïr.» Le film échappe néanmoins au manichéisme, laissant apparaître une psychologie des personnages plus complexe qu’en apparence.
Cette dimension le rapproche en un sens des westerns spaghetti. Là où il s’en distancie, c’est que le réalisateur Scott Cooper n’a pas résisté à l’usage devenu habituel de la musique d’ambiance. Beaucoup ont rapproché Hostiles de Tarantino. Lui, au moins, a compris qu’il fallait travailler avec Ennio Morricone. Ici, guitare et harmonica sont aux abonnés absents, brisant le cœur des cinéphiles épris de la «cerise sur le gâteau» que le cinéma italien a apporté au western, à savoir sa musique. Si le défaut est énorme, il n’en demeure pas moins que le reste compose un véritable chef-d’œuvre.
Des singularités à saluer
Le traitement intelligent que le film fait de la tradition s’accompagne de caractéristiques qui rendent ce cinéma beau en soi, indépendamment du genre auquel il appartient. En effet, on constate une maîtrise absolue de la lumière et de la pénombre, dès les premières images. De même, les paysages qui défilent à l’écran ravissent l’œil du spectateur; sur ce point et sur ce point seulement, la bande-son choisie, mettant beaucoup à l’honneur les orchestres de cordes, remplit son rôle avec brio.
L’esthétique qui en résulte nécessite – il est vrai – un grand budget; mais avant tout, un grand talent. Ce travail artistique est à saluer, n’en déplaise aux éternels détracteurs du cinéma américain et à toutes les personnes qui dédaignent le monde merveilleux du western par excès de morale à la petite semaine. Il ne m’était jamais arrivé de voir un récit de l’ouest d’une telle qualité qui soit sorti après ma naissance, et les spécialistes du genre confirment mon intuition: Hostiles est le plus grand western de notre siècle.
Ecrire à l’auteur : jonas.follonier@leregardlibre.com
Crédit photo : © Ascot Elite Entertainment