Les mélodies du jeudi – Jorris Sermet
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Je ne sais pas quand ni où vous lirez cet article, cela a peu d’importance de toute manière, mais si vous ne connaissez pas Ariel Pink, branchez votre meilleur sonotone et laissez-vous emporter dans l’un des meilleurs univers pop et indie rock du moment.
Quelques mots sur ce bonhomme qui se fait appeler Ariel Pink. De son vrai nom Ariel Marcus Rosenberg, ce multi-instrumentaliste et compositeur de trente-neuf ans est originaire de Los Angeles, ville où il a grandi et composé ses premières musiques. Cette information qui pourrait être anecdotique aura son importance à l’écoute de sa musique, puisqu’on ressent toute l’influence de la côte ouest américaine, le soleil et cette indescriptible ambiance planante qui se dégage des artistes indie américains.
Durant toute sa carrière, Ariel Pink a souvent été considéré comme un maître en la matière du Do it yourself et de la composition, se faisant remarquer par des groupes comme Animal Collective, le propulsant dans une direction finalement attendue. Ariel Pink, c’est cette force de propositions peu reconnue par le public mais diablement prisée par le milieu musical. Fort de onze albums sortis depuis 1999, il s’est fendu d’un dernier bijou en fin d’année dernière, sobrement intitulé Dedicated to Bobby Jameson et sorti sur le label Mexican Summer.
A la découverte de Bobby
Son côté chill et ses cheveux mi-longs rosés par moments lui donnent un petit air fou. Mais l’homme n’est pas un adepte de la folie géniale, il travaille ses musiques jusqu’à produire les sons voulus. Dedicated to Bobby Jameson est ainsi le fruit de trois ans de travail qui ont permis à Ariel Pink de redécouvrir… Bobby Jameson. Ce dernier, un compositeur américain des années soixante, aura vécu une drôle de carrière. Jamais reconnu véritablement par ses pairs ni crédité pour son travail, il aura traversé les âges dans une sorte d’indifférence malencontreuse jusqu’à mourir dans un certain anonymat en 2015.
Pourtant, Bobby Jameson, ce n’est pas rien. Collaborant avec Frank Zappa et réalisant des avant-premières pour les Beach Boys alors que les Rolling Stones lui écrivent un titre, Bobby Jameson semble être l’un de ces artistes que l’histoire aurait dû vénérer ouvertement. Aujourd’hui oublié, ce natif de Los Angeles, activiste politique, n’a jamais atteint la gloire ni même récolté le fruit de son œuvre, mais renaît d’une certaine manière grâce à Ariel Pink. Son album crédité sous le nom de Chris Lucey, Songs of Protest and Anti-Protest, est une petite merveille à découvrir.
Plus qu’une dédicace, une ode
En ce qui concerne Dedicated to Bobby Jameson, Ariel Pink débute son album par Time to Meet Your God, un joli pied de nez à l’histoire et un hommage marquant à Bobby Jameson. L’album recouvre ainsi des sonorités pop, chill et diablement indie rock dans la même veine que le groupe Girls (originaire, lui, de San Francisco). On retiendra de cet album différents passages et titres tels que Feels Like Heaven et Another Weekend, tranquilles et propices au sifflage d’apéros les pieds dans l’eau. Mais c’est dans son ensemble que Dedicated to Bobby Jameson se dévoile généreusement. Comme happé dans une spirale musicale, on ne prend conscience qu’une fois la dernière note jouée que l’album contient treize titres. Certains trouveront peut-être qu’il y a dans cet opus un certain ennui qui se dégage alors même qu’il s’agit de sa plus grande force. En déconstruisant ce concept, Ariel Pink s’adjuge un nouveau champ lexical, celui de la beauté lente qui s’amène dans les oreilles doucement. Une sorte d’ode à l’image souvent irréaliste de ce que représente la côte ouest américaine.
Ecrire à l’auteur : jorris@lemurduson.ch
Crédit photo : © Mexican Summer